JUILLET SERA CHAUD. Du moins dans l'hémicycle. Envolées lyriques, effets de manche, motions de procédure, suspensions de séance, rappels au règlement, et centaines d'amendements déjà défendus pied à pied : les premières journées du marathon parlementaire sur la réforme de l'assurance-maladie, lancé mardi dernier par le Premier ministre, ont tenu leurs promesses (du coup, le premier article n'a été adopté que vendredi après-midi, au quatrième jour des travaux).
Face à un PS déterminé à tirer à boulets rouges sur une réforme aussi « injuste » qu' « inefficace », à un PC qui compte défendre « un par un » ses 6 000 amendements (1) et à une UDF « très déçue » par un projet de loi qu'elle menace de ne pas voter, le ministre de la Santé a dû batailler ferme dès la (longue) discussion générale, avant même l'examen de la première ligne de son texte. Il a consacré beaucoup d'énergie à justifier la crédibilité d'un plan « d'une ampleur inégalée ». Le gouvernement en attend 15 milliards d'euros en rythme de croisière à partir de 2007 (9,8 milliards d'économies et 5,2 milliards de nouvelles recettes), un objectif remis en cause par certains services de Bercy et, dans une moindre mesure, par la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam).
Maîtrise médicalisée « à la papa » (PS).
C'est précisément le « manque de courage » de cette réforme qu'ont stigmatisé les élus socialistes lors des premières journées de débat. « Un peu de maîtrise médicalisée "à la papa", de la culpabilisation des assurés "à la grand-papa", des gadgets technologiques pour les enfants et de la dette pour nos petits-enfants... Voilà ce que vous proposez, et vous appelez ça réformer ! », a attaqué Jean-Marie Le Guen, député de Paris, pour qui la seule « vraie réforme » aurait été « d'opérer la rationalisation de l'offre de soins ». Laurent Fabius a vu dans ce projet un « PPT 2007 : plan pour tenir jusqu'en 2007 ». Jean-Marc Ayrault ou encore Elisabeth Guigou ont accusé le gouvernement d'avoir « cédé » aux médecins libéraux en 2002 en accordant des revalorisations tarifaires « sans contrepartie » et d'avoir laissé « filer » les dépenses, ce qui permet aujourd'hui de « dramatiser » sur le déficit abyssal .
Bertrand : fin 2005, on saura si le pari est gagné.
Le décor est donc planté pour les jours, et parfois les nuits, à venir. Fidèle à son angle d'attaque, la gauche accuse le tandem Douste-Bertrand de mettre en péril les principes fondateurs de la Sécu à la française, de « brader » (Maxime Gremetz) ou de « défaire » (Jean-Marie Le Guen) un « héritage » et un « modèle » social que le gouvernement prétend « préserver » et même « consolider » (« le Quotidien » du 1er juillet) . De chaque côté, les arguments sont affûtés. Pour les socialistes, le plan gouvernemental prépare, entre les lignes, le terrain de la privatisation ou du moins de l'ouverture du marché de la santé aux complémentaires. « Vous organisez bel et bien des transferts massifs », a accusé l'ancien ministre PS, Claude Evin. Philippe Douste-Blazy a affiché au contraire sa volonté d'ancrer de nouveaux comportements dans le système français, s'est défendu de culpabiliser les usagers et a dénoncé la « passivité » du gouvernement Jospin pendant les années de croissance.
Dans un autre registre, l'UDF a fait preuve d'une pugnacité remarquée. Son porte-parole et principal orateur sur les questions de santé, Jean-Luc Préel, s'est dit d'emblée « scandalisé par l'absence de réponse » du ministre de la Santé « à l'ensemble des questions posées ». Les centristes sont toujours exaspérés par la décision du gouvernement de « reporter la dette sur les générations futures » (en prolongeant la durée de vie de la Cades au-delà de 2014) et par le « manque d'audace » du projet sur la régionalisation.
De son côté, la commission spéciale qui examine le projet de loi a continué d' « améliorer » le texte du gouvernement. Elle a adopté un amendement UMP qui propose de fixer à 30 euros le seuil annuel au-delà duquel le forfait de 1 euro par consultation est suspendu « afin de ne pas pénaliser les assurés qui nécessitent des soins continus ». En marge de la discussion, Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, a précisé que le gouvernement saurait « à la fin de l'année 2005 » si la tendance sur l'évolution des dépenses a pu être inversée et si les principaux acteurs (prescripteurs et patients) se sont mobilisés.
Le dossier médical, plat de résistance.
Au terme de ces longs préliminaires, les députés ont commencé d'examiner le projet de loi proprement dit et adopté l'article 1 sur les « principes fondateurs de l'assurance-maladie ». Mais le premier plat de résistance n'a été servi qu'hier avec le dossier médical personnel (DMP, article 2) que le gouvernement entend généraliser d'ici à 2007. Au-delà de l'objectif partagé à droite et à gauche (mieux appréhender le parcours de soins du patient, limiter les soins redondants), ce nouvel outil suscite de multiples interrogations ayant trait, notamment, à la confidentialité des données, au partage des informations, et au lien entre l'accès au DMP et le remboursement des soins. Largement de quoi échauffer les esprits.
(1) Des centaines d'amendements sont toutefois rejetés au titre de l'article 40 de la Constitution qui interdit aux parlementaires de réduire les ressources ou d'aggraver les charges publiques.
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