L'un des temps forts du congrès a été la présentation par le Pr Kim Fox (Londres) des résultats de l'étude BEAUTIFUL, réalisée chez près de 11 000 sujets coronariens stables ayant une dysfonction ventriculaire gauche. En effet, cette étude a indiqué que l'addition de l'ivabradine (Procoralan) au traitement standard optimal pouvait permettre d'améliorer le pronostic, en particulier chez les patients dont la fréquence cardiaque (FC) était supérieure à 70 bpm. Autrement dit, l'un des objectifs de l'étude était de confirmer que le ralentissement pur de la FC était bénéfique, conférant ainsi à la FC le statut de facteur de risque : « objectif atteint », a conclu le Pr Roberto Ferrari (Italie).
L'IVABRADINE (Procoralan) est le seul inhibiteur sélectif et spécifique du courant If du noeud sinusal, ralentissant la FC, tout en préservant la contraction et la relaxation myocardique ainsi que la pression artérielle. L'ivabradine a déjà démontré son efficacité anti-ischémique et antiangoreuse versus placebo, inhibiteur calcique et bêtabloquants. L'ivabradine, par son action spécifique sur la FC, est le candidat rêvé pour l'étude BEAUTIFUL, les bêtabloquants ayant bien d'autres effets positifs ou délétères qui interdisent les interprétations.
L'étude BEAUTIFUL a porté sur 10 917 patients recrutés par 781 centres répartis dans 33 pays ; ces patients avaient une coronaropathie stable démontrée, une fraction d'éjection ventriculaire gauche < 40 % et une FC > 60 bpm. En outre, ces patients devaient recevoir un traitement standard optimal, ce qui a bien été le cas : 94 % prenaient des antithrombotiques, 90 % un inhibiteur du système rénine-angiotensine, 74 % une statine et surtout 87 % étaient sous bêtabloquants. Après 15 jours de run-in, 5 479 patients ont reçu de l'ivabradine (5 mg x 2 par jour porté à 7,5 mg x 2 par jour en fonction de l'évolution de la FC), alors que les autres recevaient un placebo.
Après un suivi médian de 19 mois, la FC est descendue à 64 bpm dans le groupe ivabradine versus 69 bpm, mais on n'observe pas de différence significative entre les deux groupes pour le critère principal (mortalité cardio-vasculaire + hospitalisation pour infarctus et pour apparition ou aggravation d'une insuffisance cardiaque). Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer ce résultat : suivi trop court, effet confondant de la dysfonction ventriculaire gauche et, surtout, inclusion de patients dont la FC était très modérément élevée (à partir de 60 bpm). Or l'analyse des résultats observés dans le sous-groupe (préspécifié) de patients dont la bpm était supérieure à 70 bpm indique que ce facteur est déterminant.
La barre des 70 bpm.
En effet, on constate dans ce sous-groupe une augmentation significative de la mortalité cardio-vasculaire (8 %, p = 0,0005), des hospitalisations pour infarctus (7 %, p = 0,052) ou pour insuffisance cardiaque (16 %, p < 0,001) et des revascularisations (8 %, p = 0,034).
Ces résultats confirment les nombreuses données de la littérature montrant qu'une FC élevée est un marqueur de risque de mortalité accrue et d'événements cardio-vasculaires, dans la population générale comme chez les coronariens.
Or dans ce sous-groupe à risque élevé, l'ivabradine réduit significativement l'incidence des infarctus mortels ou non (– 36 %, p < 0,001), des hospitalisations pour infarctus mortels ou non (– 22 %, p = 0,023) et des revascularisations (– 30 %, p = 0,016).
Des résultats qui s'accompagnent d'une parfaite tolérance, la fréquence des effets secondaires significatifs étant identique dans les groupes sous ivabradine et placebo (p < 0,70).
L'ensemble de ces données fait dire aux Prs K. Fox, R. Ferrari, G. Steg (Bichat - Claude-Bernard) et M. Tundera qu'il ne serait pas raisonnable d'attendre des confirmations ultérieures (nécessaires au plan réglementaire) pour dépister les sujets coronariens stables dont la FC est supérieure à 70 bpm, et qu'il est cliniquement justifié de faire bénéficier ces patients d'un traitement par ivabradine.
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