T OUT le petit monde du secteur de la santé avait répondu présent et se pressait la semaine dernière dans un des salons de la mairie du 8e arrondissement de Paris. A l'invitation du club Perpectives public-privé, l'ancien Premier ministre, Alain Juppé, avait accepté cinq ans après la promulgation de sa réforme d'avoir une explication franche avec le monde médical.
L'assistance n'a pas été déçue. Comme il l'avait déjà fait à deux reprises devant la réunion bordelaise de l'Union en mouvement et lors d'un entretien avec l'union régionale des médecins libéraux d'Aquitaine, le maire de Bordeaux a exprimé ses « regrets ».
« Dans l'urgence et face à la situation de crise financière, nous avons pris des mesures difficiles à la fois pour les assurés sociaux, l'industrie pharmaceutique et les médecins libéraux. Le mécanisme de reversements d'honoraires a été ressenti comme une sanction injuste, en contradiction avec l'objectif affiché de la réforme. Je regrette d'avoir procédé ainsi car cela a rendu plus difficile l'acceptation de l'ensemble de la réforme », a reconnu l'ancien Premier ministre.
Fermez le ban.
Car si Alain Juppé a, échéances électorales oblige, ressenti le besoin de revenir sur les causes de sa rupture avec le monde médical, il ne renie en rien sa réforme, dont, rappelle-t-il, les principes ont fait l'objet d'un large consensus et, fait rare, d'une « standing ovation » à l'Assemblée nationale. « Bien qu'ayant fait mon mea culpa, je ne renonce pas à l'idée qu'il y avait des bonnes choses dans la réforme de 1996. » Réforme du financement, débat parlementaire sur les objectifs de dépenses, maîtrise médicalisée de l'offre de soins et réforme hospitalière fondée sur la régionalisation, l'accréditation et la contractualisation sont toujours, selon lui, d'actualité.
En effet, pour l'ancien Premier ministre, cinq ans après sa réforme, rien n'est encore réglé. « Certains aspects de la réforme ont été conservés. En revanche, il y a eu des retards ou des abandons importants, faute de volonté politique, notamment dans la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses. Résultat : les dépenses d'assurance-maladie se sont envolées et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a perdu une partie de sa signification, puisque l'ONDAM est régulièrement dépassé », a-t-il constaté.
Refusant néanmoins le scepticisme ambiant qui voudrait qu'il soit impossible de réformer ce secteur, Alain Juppé estime qu'il est possible d'agir et de mettre en chantier des réformes en accord avec les professionnels. « On a une fenêtre de tir de deux ou trois ans car, si la crise financière est apaisée, la situation ne durera sans doute pas. »
Amplifier la démarche d'accréditation et de contractualisation interne à l'hôpital, passer d'une politique de soins à une politique de santé publique en favorisant les actes de prévention, réguler la démographie médicale et poursuivre la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée sont quelques-unes des pistes proposées par l'ancien Premier ministre.
Sans renoncer toutefois à l'idée de réguler les dépenses. Car s'il y a, selon lui, des raisons objectives qui militent pour une progression des dépenses, comme le vieillissement de la population ou le progrès médical, « on ne peut se résigner à une augmentation indéfinie ».
Cela implique pour lui de mieux évaluer les besoins, de fixer des objectifs réalistes, éventuellement sur plusieurs années, et de trouver des modalités de maîtrise des dépenses dans le cadre conventionnel. Et c'est là qu'Alain Juppé a une nouvelle fois renvoyé la balle dans le camp des syndicats médicaux. « Il faut que la volonté de réformer soit partagée et que les syndicats aient la volonté d'aboutir », a insisté le maire de Bordeaux. Et à la question du président de la Confédération des syndicats médicaux, le Dr Claude Maffioli, qui lui demandait s'il laisserait carte blanche aux médecins pour maîtriser leurs dépenses, dans l'hypothèse où il aurait à refaire sa réforme, l'ancien Premier ministre a répondu clairement par la négative. « Personne, jusque-là, n'a pris le risque de laisser filer les dépenses (...) On ne peut pratiquer la politique de la carte blanche. Il faut que la profession accepte de prendre des engagements qui donnent des garanties aux pouvoirs publics. Et je n'en ai pas trouvé dans les propositions du G7. »
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