La France s'est engagée dans l'épidémie d'obésité infantile

Publié le 14/03/2001
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E N établissant pour la première fois le panorama en France du surpoids et de l'obésité chez les enfants de 2 à 17 ans, l'enquête ObEpi révèle un problème que l'on croyait jusque-là réservé aux Etats-Unis. « En France, les études épidémiologiques enregistrent depuis trente ans une progression régulière. Force est de constater que la France s'est engagée dans l'épidémie d'obésité infantile observée par l'OMS », commente le Pr Arnaud Basdevant. L'enquête montre une situation légèrement décalée par rapport à celle de l'adulte, mais largement dépendante de lui, sans permettre de présumer des parts de responsabilité entre l'environnement ou la génétique.

Parent obèse, structure monoparentale, revenus modestes

On constate une influence très forte de l'environnement proche sur l'apparition d'un surpoids ou d'une obésité, avec trois facteurs incidents prédominants :
1.  La présence d'un parent obèse, qui multiplie par quatre le risque pour les enfants de développer un surpoids ou une obésité ; ce fait est d'autant plus marqué que l'enfant est âgé ; chez les enfants de moins de 6 ans, la prévalence est seulement doublée.
L'existence d'un parent obèse est-elle un facteur déclenchant ou aggravant ? Quelle est la part de la reproduction d'un comportement alimentaire inadapté ou nocif ? L'enquête n'a pas été conçue pour répondre à ces questions.
2.  Une structure familiale monoparentale.
L'enquête montre l'existence d'un schéma familial propice où la composition de la famille apparaît comme un facteur particulièrement déterminant. Les familles monoparentales et celles qui ont un enfant unique sont les plus représentées dans la population des enfants obèses. A côté de cela, la prévalence de l'obésité est la plus élevée chez les familles aux revenus modestes.
3.  Des revenus modestes, tout comme chez les adultes. La prévalence décroît presque linéairement avec l'augmentation des revenus familiaux.

Nord, Bassin méditerranéen, Sud-Ouest

L'enquête ObEpi fournit par ailleurs un bon aperçu socioculturel de l'obésité des enfants et des jeunes.
La répartition géographique de la prévalence de l'obésité des enfants est plus homogène sur le territoire français que pour les adultes (il n'existe pas de gradient régional), mais se répartit différemment. Le Nord figure comme une région très marquée par l'excès de poids pour tout le monde, avec une prévalence de 16,5 % dans sa population infantile (troisième région pour les enfants et première région pour les adultes, avec une prévalence de 13,5 %).
A l'inverse, le Bassin méditerranéen, relativement épargné par l'obésité des adultes (9,8 %), est la région où la prévalence chez les enfants est la plus forte. Le Sud-Ouest suit de près.
L'incidence de la taille des agglomérations a été étudiée. Les catégories d'agglomération influent beaucoup sur la prévalence de l'obésité des plus de 15 ans (prévalence de 13,4 %, dans les agglomérations de moins de 2 000 habitants), mais elle n'en a pas dans les tranches d'âge plus jeunes. Paris et la région parisienne sont davantage touchés par l'obésité chez les enfants (12,1 %) que chez les adultes.

Vie sociale, scolaire et affective

Quels risques pour un enfant obèse ?
Les retentissements sur la vie sociale, scolaire et affective sont multiples. Par exemple, l'enfant ne peut faire du sport avec son groupe. La mise à l'écart par l'enfant lui-même ou par son entourage est un facteur aggravant de l'obésité et elle doit être prise au sérieux : elle mérite un suivi psychologique.
Il faut par ailleurs se méfier des régimes entrepris de manière désordonnée par les enfants eux-mêmes. Une enquête américaine montre que ceux qui commencent et abandonnent des régimes de leur propre initiative ont davantage de risque de surpoids ou d'obésité.
Seule l'obésité sévère engendre des conséquences immédiates sur la santé. Mais, expliquent les experts (Pr Arnaud Basdevant, Paris, et Dr Marie-Aline Charles, Villejuif), il est essentiel de s'intéresser aux comorbidités et aux conséquences délétères potentielles du surpoids. Il peut s'agir d'altérations articulaires, qui se manifestent souvent aux genoux. On recherche des signes d'appel sous la forme de douleurs ou d'une démarche claudicante. Un retentissement respiratoire peut également être constaté : dyspnée d'effort, ronflement, apnée du sommeil, qui induisent des céphalées au réveil et une somnolence diurne. On doit aussi rechercher une HTA, dont le risque est potentiel dès le plus jeune âge.
Une prévention des risques potentiels à long terme (cardio-vasculaires, diabète) s'impose également, par la reconnaissance des éléments cliniques, métaboliques et une prise en compte du contexte socioculturel et familial. Rappelons que la prévalence du diabète est, chez les adultes, multiplié par 9 chez les obèses et par 3,5 chez les sujets en surpoids.
L'enquête ObEpi a été réalisée à l'initiative de l'institut Roche de l'obésité sur un échantillon TN-SOFRES de 20 000 foyers ; 6 084 enfants et adolescents ont répondu et un IMC a été calculé chez 55 % d'entre eux.

Conférence de presse organisée par l'institut Roche de l'obésité.

Les chiffres en France

Globalement, 13,3 % des enfants et jeunes âgés de 2 à 17 ans présentent un surpoids ou une obésité en France.
L'obésité vraie atteint 2,4 % de cette population, soit un total de plus d'un million de jeunes.
Le surpoids concerne 10,9 % de la population, soit 4,7 millions de jeunes.
La prévalence maximale, qui est de 20,4 %, est observée à l'âge de 7 ans.
A 4 ans, 10 % des enfants sont en surpoids ou obèses.
Il n'existe pas de différences significatives entre les sexes.

La définition

Comme chez l'adulte, l'obésité de l'enfant se définit à partir de l'indice de masse corporelle (IMC, qui est le rapport du poids sur la taille au carré). Chez l'enfant, en raison des variations au cours de la croissance, il est indispensable de se référer aux abaques. Les seuils de surpoids et d'obésité sont établis à partir de distributions établies dans les populations de référence. L'IMC maximal à 1 an va diminuer régulièrement jusqu'à 6 ans, puis s'élever ensuite jusqu'à la fin de l'adolescence. Cette période est appelée « rebond d'adiposité ».

La situation à l'étranger

Aux Etats-Unis, de 15 à 20 % des enfants sont concernés par l'obésité. Dans certaines régions et groupes sociaux, un enfant sur trois est atteint.
En Allemagne, le nombre des enfants en surpoids ou obèses a plus que doublé depuis 1985 et la proportion s'élève aujourd'hui à 26 % des garçons et à 33 % des filles. Au Royaume-Uni, 13 % des filles et 26 % des garçons sont en surpoids ou obèses ; la prévalence a doublé en vingt ans. En Italie, 30,5 % des garçons et 30 % des filles sont en surcharge pondérale.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6877