Que les Français et leurs médecins soient rassurés : mieux vaut être malade et soignant dans l'Hexagone qu'ailleurs. Le troisième rapport du HCSP, consacré aux années 1998-2001 et remis à Bernard Kouchner, en témoigne ; l'espérance de vie à 65 ans est de plus de 16 ans pour les hommes et 20 ans chez les femmes. Il est vrai que l'effort financier consacré par les Français à leur santé correspond à 10 % du produit intérieur brut. Et il n'existe pas, « au sens strict et dans les faits, de limitation a priori des dépenses de santé », remarquent les auteurs du HCSP.
Jusqu'à présent, « plutôt qu'une politique de promotion de la santé », c'est « une politique de promotion de l'accès aux soins » qui a prévalu. « Il est donc assez logique que les meilleurs résultats aient été obtenus pour les pathologies qui répondent le mieux aux soins (par exemple, les maladies cardio-vasculaires) et les moins bons là où les possibilités thérapeutiques sont moindres (cirrhose du foie et cancers du poumon et des voies aéro-digestives supérieures). C'est de ce décalage, entre les déterminants de santé et l'effort essentiellement axé sur les soins, note le HCSP, que résultent, sans doute en partie, les fortes inégalités observées et le niveau élevé de la mortalité prématurée ». La France est, avec le Portugal, le pays où la mortalité avant 65 ans réduit le plus l'espérance de vie à la naissance.
Selon l'âge
De cette politique de santé à la française, pas très rationnelle, découlent des faits qui illustrent, dans chaque catégorie d'âge, ici un progrès, là une situation défavorable ou une évolution préoccupante pour l'avenir.
Les moins de 15 ans - Avec 3 400 décès annuels d'enfants de moins de 1 an, contre 9 000 en 1980, la mortalité infantile est l'une des moins élevée du monde, autour de 5 pour 1 000 naissances. Les accidents sont à l'origine de 40 % des décès et de 12 % des hospitalisations des moins de 15 ans. Ils représentent le risque le plus important, à court terme, pour la santé des jeunes Français, par rapport à de nombreux pays européens. Quatorze pour cent des garçons et 18 % des filles de 7-9 ans présentent actuellement un surpoids ou une obésité.
Les 15-44 ans - Pour la majorité des 15-44 ans, soit 42 % de la population, la vie se déroule sans trop de problèmes de santé. Chez les femmes, toutefois, le recours à l'IVG n'a pas diminué au cours des 20 dernières années. Les accidents de la circulation et les suicides pèsent lourd : ils provoquent un décès sur deux chez les hommes et un sur trois chez les femmes. La France occupe la 3e place européenne sur le tableau des morts violentes. Sur 22 tués au volant chaque jour, 60 % sont âgés de 15 à 44 ans et les traumatismes routiers expliquent 17 % des hospitalisations.
Les 45-74 ans - En 2020, 23 millions de Français (37 % de la population) auront de 45 à 74 ans. Or, les trois cinquièmes des cancers surviennent dans cette classe d'âge et 8 % des hospitalisations et 45 % des décès leur sont liés. Le cancer du poumon, pour lequel le tabac constitue le principal facteur de risque, est le plus préoccupant en raison de sa fréquence et de sa gravité (7 % de survie à 5 ans). Les maladies cardio-vasculaires sont également un motif de recours aux soins de ville (30 %) et hospitaliers (13 %), même si la diminution de la mortalité qui leur est imputable se poursuit (15 % entre 1990 et 1997).
Les 75 ans et plus - En 2000, une personne de 75 ans peut espérer vivre dix ans, voire treize ans s'il s'agit d'une femme, contre respectivement huit et dix ans en 1970. Dans vingt ans, les 75 ans et plus représenteront 10 % de la population. Outre les affections classiques du vieillissement, la plus préoccupante par sa gravité est la démence. Elle touche 660 000 sujets, dont 430 000 malades d'Alzheimer ; et si aucun progrès n'est réalisé dans la prévention, les effectifs atteindront, en 2010, 800 000 et 550 000 respectivement.
Inégalités et disparités
Le Haut Comité souligne, comme en 1994, les « fortes inégalités sociales de santé ». La mortalité des ouvriers et des employés est près de trois fois supérieure à celle des cadres supérieurs et des professions libérales. L'espérance de vie à la naissance varie de plus de dix ans entre les zones d'emploi du nord et du sud de la France. La différence d'espérance de vie à 35 ans entre un ouvrier et un cadre atteint 6,5 années. Le « score de risque d'invalidité » est de 113 pour un ouvrier non qualifié quand il se situe à 89 chez un cadre (moyenne nationale 100). Le taux de prématurité évolue du simple au triple et la fréquence des petits poids à la naissance du simple au double en fonction du niveau scolaire de la mère. Une surmortalité spécifique à l'âge de 30 ans et de 40 ans est constatée dans les petites villes par rapport aux campagnes et aux pôles urbains régionaux. L'obésité des hommes jeunes, qui a doublé en dix ans, est nettement plus marquée en milieu rural qu'en ville, avec, aux deux extrêmes, un rapport de 1 à 3 entre l'Ile-de-France et la Corse. Trente-deux pour cent des Maghrébins et 54 % des Africains sub-sahariens résidant en France ignorent leur séropositivité au moment où ils tombent malade, au lieu de 21 % pour les personnes de nationalité française.
La démographie médicale
en question
La dépense nationale de santé, relève le HCSP, s'est élevée à 922,4 milliards de francs en 2000, soit 13 000 F par personne, et « on peut compter environ + 5 % en 2001 ». Et d'affirmer, au nom de l'état de bien-être, que « si le financement actuel de la protection sociale est insuffisant, raisonnablement il faut envisager de pouvoir l'augmenter ».
Reste le problème de la démographie médicale. « En ne prenant pas en considération à temps le vieillissement des médecins, ni l'augmentation probable de la demande de soins, en se réfugiant dans l'idée de durabilité de la pléthore et en baissant trop longtemps le numerus clausus, on a laissé se créer une situation telle que la densité médicale va diminuer jusqu'en 2020 pour se retrouver à son niveau d'il y a vingt ans, avec une pénurie dans certaines régions et pour certaines spécialités », prévient le HCSP.
Enfin, le Haut Comité souligne le rôle de l'usager comme acteur à part entière du système de santé et estime qu'il faut l'impliquer davantage dans « la codécision diagnostique et thérapeutique, l'intégrer dans le fonctionnement des institutions sanitaires et sociales, et le faire participer aux décisions de santé publique ». Globalement, l'amélioration de « la performance du système de santé passe par une meilleure connaissance, par la population et les professionnels, des stratégies employées, des ressources que nous y consacrons et des résultats obtenus ». En conséquence, recommande le HCSP, « il faut encourager le développement d'indicateurs de performance du système de santé pour comparer les régions entre elles ou entre d'autres unités géographiques infrarégionales ». En outre, « la remise à plat des modalités de fonctionnement et d'organisation de notre système de santé » requiert d' « accorder plus de reconnaissance aux professionnels pour rétablir la confiance » et de « simplifier les dispositifs ». « La complexité de notre organisation est une source de pertes d'énergie importantes et d'un gaspillage de ressources humaines. Dès maintenant, il est possible de limiter la redondance des procédures, de favoriser les guichets uniques pour faciliter les démarches de nombreux porteurs de projets, souvent obligés de s'adresser à plusieurs administrations. Il serait également possible d'obtenir une meilleure mobilisation des ressources financières en mutualisant davantage les fonds et les lignes budgétaires gérés séparément par chaque institution ». De leur côté, « l'Etat et l'assurance-maladie doivent stabiliser et régulariser le fonctionnement de leurs procédures ». A partir de là, il faut imaginer le futur et rendre lisible la santé publique de demain.
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