LA DÉMARCHE du président était louable, à tel point que François Hollande, Marie-George Buffet et François Bayrou ont consenti à y participer. Elle a consacré l'élection (enfin !) du nouveau président de la République libanaise, Michel Sleimane ; elle renforce la voie choisie lors de l'accord de Doha le mois dernier : il a permis d'éviter une conflagration et organisé un modus vivendi entre la majorité chrétienne et sunnite et la minorité chiite, représentée par le redoutable Hezbollah ; elle s'efforce de faire de cet accord un précédent pour toutes les initiatives diplomatiques qui suivront dans la région.
Le Hezbollah reste un sérieux danger.
Mais l'accord de Doha n'a pas transformé en un jardin de roses le théâtre d'une confrontation grave entre les chiites et les autres au Liban. Les batailles du mois dernier avaient été déclenchées par des mesures du gouvernement libanais pour assujettir le Hezbollah au pouvoir civil. Pour conclure l'accord de Doha, il a dû reporter ces mesures. Le Hezbollah reste donc au Liban une force militaire redoutable contre laquelle l'armée régulière libanaise, commandée jusqu'à présent par le même Sleimane, qui est général, ne rêve pas une minute de se dresser. Autant dire que le problème a été contourné plutôt que résolu et que le Hezbollah garde tout son pouvoir de nuisance : la prochaine fois qu'il sera mécontent, il aura recours à la force, comme les fois précédentes.
Le gouvernement français le sait, qui ne risque pas, dans la crise libanaise, de pêcher par excessive candeur. Une diplomatie est souvent efficace quand elle fait semblant. M. Sarkozy, ses conseillers et son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, font semblant de croire qu'il s'est produit à Doha un événement qui peut faire tache d'huile au Proche-Orient, que le Hezbollah peut cohabiter avec la majorité, que la diplomatie peut remplacer l'explication par les armes. Ils notent une évolution intéressante : des tractations, conduites par la Turquie, ont lieu entre Israël et la Syrie au sujet d'une éventuelle évacuation du plateau du Golan par les Israéliens ; les pays arabes, à Doha, ont montré qu'ils pouvaient apporter une alternative diplomatique aux menées belliqueuses de l'Iran ; en tout cas, il ne semble plus impossible de séparer la Syrie de l'Iran ni de donner de l'oxygène au Liban. La présence, cette semaine, du ministre syrien de la culture à Paris le confirme.
Or, il y a quelques mois, le gouvernement avait envoyé une mission à Damas pour tenter d'ouvrir des discussions régulières avec le président Bachar Al-Assad. Cette mission avait échoué devant la sèche intransigeance du pouvoir syrien et nombre de chancelleries avaient alors critiqué la « naïveté » de la France. D'excellents spécialistes n'hésitaient pas à dire : «On ne peut rien faire avec la Syrie.» Ce jugement à l'emporte-pièce, qui mettait la mission française au passif de la diplomatie sarkozienne, ne valait rien, puisque Damas a accepté les bons offices de la Turquie pour envisager un accord avec Israël, ce qui est sans précédent depuis de nombreuses décennies. Certes les Israéliens ont plus à donner que la France au despote syrien. Mais leur contentieux avec lui est infiniment plus lourd.
LA FRANCE A DEVINE L'IMPORTANCE DE QUELQUES SIGNES AVANT-COUREURS DANS LA REGION
L'Amérique approuve.
Cependant, s'il ne fallait pas se hâter de critiquer la France, il ne faut pas davantage s'imaginer que les accords de paix vont pleuvoir au Proche-Orient. La négociation entre Israël et la Palestine est gelée par la bataille de Gaza ; la Syrie n'est pas prête à renverser ses alliances et à troquer ses relations confortables avec l'Iran contre un rapprochement avec la France ou l'Europe.
Le seul point positif dans l'évolution des affaires du Proche-Orient, c'est le consentement de l'Amérique qui ne s'oppose pas du tout aux initiatives françaises. M. Bush arrive en fin de course avec un bilan désastreux et il ne souhaite plus du tout s'opposer à une évolution pacifique des affaires de la région ; quel qu'en soit le prix, il ne peut que se réjouir de ce que la guerre civile ait été évitée au Liban ; incapable qu'il est de produire un État palestinien avant son départ, il ne serait pas mécontent de voir une Syrie moins isolée et moins éloignée des Occidentaux.
Bien entendu, on ne manquera pas de souligner la fragilité de ces quelques acquis diplomatiques : il coulera beaucoup d'eau dans le Jourdain avant que le Golan soit restitué à la Syrie en échange d'un accord de paix rigoureux et solide, avant que les négociations israélo-palestiniennes aboutissent, avant que le Hamas soit circonscrit et que le Hezbollah dépose les armes. Mais qui ne tente rien n'a rien. C'est la devise de M. Sarkozy.
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