Le tabac est la première cause de décès évitable. En 1999, il a tué 66 000 personnes en France, dont 59 000 hommes, la moitié par cancer. L'exemple britannique montre qu'il est possible de réduire le chiffre de façon importante. Des mesures ont été prises dès les années soixante, soit près de vingt ans avant la France : pour les hommes, la courbe de mortalité par cancer attribué au tabagisme s'infléchit en 1970 chez les Britanniques et en 1990 chez les Français ; pour les femmes, elle s'infléchit depuis 1990 au Royaume-Uni, mais continue de croître en France. C'est « une catastrophe sanitaire » qui s'annonce avec le tabagisme féminin, d'autant que les femmes sous pilule fument autant que les autres et que la proportion de femmes enceintes qui fument reste élevée. Enfin, dernier constat dramatique : les jeunes Français détiennent le record d'Europe du tabagisme.
Fort des résultats néanmoins obtenus depuis la loi Veil en 1976 et des premiers chiffres sur les actions entreprises par le gouvernement Raffarin (en 2003, baisse des ventes de tabac de 8,6 % par rapport à 2002), et dans la priorité donnée à la lutte contre le cancer, Jean-François Mattei a décidé de mettre en place « une stratégie complète » de lutte contre le tabagisme, en cinq axes. Il l'a résumée hier lors d'une conférence de presse intitulée simplement « Tabac : l'offensive ».
Le premier axe d'action vise à limiter l'accès aux produits des tabacs : après la hausse intervenue en janvier (10 % en moyenne pour les cigarettes), les augmentations vont se poursuivre, elles seront « significatives et régulières » et concerneront de préférence la part spécifique des taxes pour éviter que le consommateur se tourne vers les produits les moins chers (à l'heure actuelle, les cigarettes sont taxées à 76 %, le tabac à rouler à 68,7 % et les cigares à 37 % seulement). Autres mesures déjà annoncées, qui devraient faire l'objet d'un vote au Parlement avant la fin de l'année : l'interdiction de vente aux moins de 16 ans et l'interdiction des « paquets-enfants» (moins de 19 cigarettes).
Le deuxième axe de la stratégie a pour ambition de « dénormaliser le tabac dans la société française ».
Plus simplement, il s'agit, entre autres, de faire respecter la réglementation qui protège les non-fumeurs - la tolérance s'appuyant, selon le ministère, sur l'ignorance du public quant aux risques du tabagisme passif. Au programme : mise à jour des règles existantes, avec notamment une délimitation plus efficace des espaces fumeurs et non-fumeurs ; renforcement des moyens pour faire appliquer la loi, avec une augmentation « sensible » des financements aux acteurs associatifs et une collaboration accrue entre les administrations ; inscription du respect de la réglementation dans les critères d'accréditation des établissements de santé, contrats-cadre avec les ministères de l'Education nationale et du Travail pour les établissements scolaires et les lieux de travail.
Les messages sanitaires beaucoup plus voyants sur les paquets, conformément à la directive européenne de 2001, devraient être généralisés à partir d'octobre. Le ministère envisage à la fois d'augmenter la taille des avertissements et d'introduire une information iconographique sur les emballages. Il veut aussi mieux faire appliquer l'interdiction des promotions pour les produits du tabac : extension de la responsabilité pénale pour les personnes morales ; extension du droit des associations à se pourvoir en justice ; renforcement des moyens attribués à ces associations.
Troisième point de la stratégie : les mesures pour encourager l'arrêt du tabac. Les recommandations de bonnes pratiques du sevrage élaborées par l'AFSSAPS (Agence de sécurité sanitaire des produits de santé) sous la présidence du Pr Gilbert Lagrue seront largement diffusées. Les besoins en consultations spécialisées (au moins une par département) seront mieux couverts. Le dispositif d'aide à l'arrêt, Tabac Info Service (0825.309.310), sera élargi. Enfin des expérimentations régionales sont en cours sur l'intérêt du remboursement des médicaments d'aide au sevrage.
20 millions en 2003
L'aide de l'Etat aux associations de lutte contre le tabac, sera, on l'a dit, renforcée. C'est le quatrième axe de la stratégie. Concrètement, en 2003, le ministère consacrera plus de 20 millions à la lutte antitabac : 7 millions iront aux associations (dont un demi-million pour une opération de mobilisation dans les hôpitaux), 11 millions iront aux actions de communication de l'INPES (Institut de prévention et éducation en santé) et 2,2 millions seront consacrés au dispositif « Emploi jeunes tabac » (actions de proximité).
Enfin, le dernier axe est la recherche, encore « lacunaire en regard des enjeux de santé publique ».
La cigarette poubelle
Les actions de communication forment la deuxième partie de l'offensive nationale. La campagne « Révélation », lancée au début de l'été dernier sur les produits nocifs contenus par la cigarette ayant été bien perçue, le ministère et l'INPES lancent cette semaine une nouvelle campagne grand public reprenant le thème avec des spots télévisés, des affiches ( « C'est surprenant tout ce que l'on peut mettre dans une cigarette ») et des annonces radio à l'occasion du pont de l'Ascension et du week-end de la Pentecôte (l'automobiliste utilise de l'essence sans plomb, mais continue à absorber le plomb de la fumée de cigarette).
D'autres campagnes sont programmées : en juillet à la radio, rediffusion des « conseils de tabacologue » ; à l'automne, à la radio et sur Internet, messages pour tenter de montrer aux jeunes qu'ils ne sont ni libres ni autonomes lorsqu'ils fument ; sur M6, action à destination des jeunes filles. Sans oublier une action avec les médias destinés aux jeunes, autour d'une charte de bonnes pratiques, et la poursuite du partenariat avec la presse féminine.
La communication, c'est aussi, à l'occasion de la Journée sans tabac 2003, un mémo réalisé avec le Centre national du cinéma à destination des professionnels. Et, du côté de la mode, entre autres, une opération de sensibilisation menée par l'agence Elite Model : les mannequins Rebecca Dayan, Maria Del Mar et Sophie M. posent gracieusement avec un tee-shirt sur lequel il est écrit « Fumer nuit à mon corps ».
Encore 25 % de fumeurs chez les généralistes
Selon le ministère de la Santé, le succès britannique dans la lutte antitabac peut être expliqué en partie par l'attitude des médecins qui, très tôt, ont montré l'exemple. Cela n'a pas été le cas de leurs confrères français, chez qui la proportion de fumeurs a longtemps été la même que dans la population générale. Les chiffres de 2002 sont cependant encourageants : on compte 24,9 % de fumeurs parmi les généralistes, contre 27 % dans la population générale (Baromètre santé 2000, 28-75 ans). Ils étaient 29,3 % en 1994 et 27,9 % en 1998-1999. On est encore loin du Royaume-Uni, de la Suède et de la Finlande, avec pas plus de 5 à 6 % de médecins fumeurs.
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