LA FEMINISATION croissante de l’épidémie de sida, surtout dans les pays en développement, oblige à prendre de nouvelles options préventives. L’approche « ABC » (Abstinence, Bâtir une relation fidèle et Condom-préservatif), la stratégie la plus utilisée dans ces pays, se révèle bien peu efficace pour de nombreuses femmes. Dans une étude réalisée à Harare (Zimbabwe), à Durban et à Soweto (Afrique du Sud), 66 % des femmes interrogées n’avaient eu qu’un partenaire sexuel dans leur vie et 79 % avaient pratiqué l’abstinence sexuelle jusqu’à 17 ans. Pourtant, 40 % étaient séropositives au VIH. Quant à l’utilisation du préservatif, il requiert l’accord du partenaire sexuel, pas toujours facile à obtenir dans un contexte de relations inégalitaires. En dehors des actes de violence sexuelle, la plupart des contaminations surviennent au sein des couples. Or, pour ces femmes, la capacité d’être enceinte détermine souvent le statut dans la société et dans la relation conjugale.
Une plus grande susceptibilité.
Depuis 2002, le Partenariat international pour les microbicides (IPM) travaille à accélérer la recherche et le développement de microbicides sûrs, efficaces et accessibles pour les femmes touchées par l’épidémie. «Les microbicides ne remplaceront jamais le préservatif, qui constitue une barrière physique efficace contre la transmission du virus lors des rapports sexuels. Mais ils représentent une alternative indispensable pour les femmes, dont la susceptibilité biologique est plus grande que celle des hommes», explique le Dr Zeda Rosenberg, la directrice exécutive d’IPM. Quatre ans après sa création, l’organisation a réussi à mettre en place des partenariats avec le secteur privé, des équipes de recherche universitaires et des organismes à but non lucratif. L’enjeu est double : «Il faut trouver la molécule active adéquate, mais aussi la formulation la plus adaptée pour l’administration du produit actif (gel, anneaux vaginaux et autres dispositifs intravaginaux) », souligne le Dr Zeda.
Le partenariat s’est doté d’installations à l’hôpital Saint George de Londres, où sont triés et évalués, à l’aide de modèles in vitro, les microbicides candidats. Ce centre de tri offre gratuitement ses services à tous les développeurs de microbicides. L’IPM collabore par ailleurs avec l’industrie pharmaceutique sur de nouvelles générations d’antirétroviraux. Trois laboratoires ont déjà accordé des licences gratuites pour des molécules à développer en tant que microbicides : le Laboratoire Tibotec (filiale de Johnson & Johnson), pour la dapivirine (TMC120) ; Merck & Co et Bristol-Myers Squibb, pour des inhibiteurs d’entrée. L’IPM dispose aussi d’installations capables de mettre au point des formulations les plus adaptées, elles aussi à disposition des développeurs.
Cinq molécules de première génération développées pendant les années 1990 font l’objet d’essais d’efficacité à grande échelle. Toutefois, cette efficacité risque d’être partielle car leur action n’est pas spécifiquement dirigée contre le VIH. Parmi les microbicides de deuxième génération, plus spécifiques, la dapivirine fait déjà l’objet d’essais sur l’innocuité en Belgique, au Rwanda, en Tanzanie et en Afrique du Sud. L’essai d’efficacité à grande échelle est prévu pour 2007.
La réalisation de ces essais préventifs réalisés contre placebo chez des femmes volontaires séronégatives pose des problèmes particuliers. Les régions choisies doivent être à très forte prévalence (60 % dans les townships de Soweto). Le protocole prévoit des conseils de prévention, la distribution de préservatifs, le traitement des infections transmissibles. L’IPM s’engage, en outre, à fournir un traitement antirétroviral aux participants qui contractent le VIH au cours de l’étude. «L’expérience montre que, à la fin de l’étude, l’incidence du VIH diminue de 50% chez les femmes impliquées dans l’essai», souligne le Dr Rosenberg.
L’IPM est impliqué dans tous les stades du développement des microbicides et cherche à rehausser la capacité de recherche dans les communautés hôtes considérées comme des partenaires. «Un microbicide pourrait être disponible d’ici à cinq ou sept ans», affirme le Dr Rosenberg. Mais il faudrait doubler les investissements : au lieu des 116 millions d’euros en 2004, 232 millions devront être investis chaque année au cours des cinq prochaines années. IPM a reçu des fonds de la fondation Rockefeller, de la fondation Bill & Melinda Gates, du Fonds des Nations unies pour la population et de la Banque mondiale, de la Commission européenne et de huit pays développés (Canada, Etats-Unis, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Norvège, Suède, Royaume-Uni).
L’Allemagne a récemment rejoint le cercle des donateurs. «On est étonné de l’absence de la France sur ce sujet, alors qu’elle s’est engagée de façon importante pour l’accès aux soins et la recherche d’un vaccin», a déclaré le Dr Hélène Rosset, directrice générale d’Aides et membre du conseil d’administration d’IPM. A la veille de la conférence des bailleurs qui se tient demain à Genève, l’association Equilibre & Population qui, depuis 1993, milite pour le bon usage de l’aide internationale au profit de la santé et de l’éducation entend interpeller les responsables politiques pour que la France s’engage plus dans la recherche sur les microbicides.
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