LA PANDEMIE de grippe espagnole de 1918-1919 représente l'épidémie infectieuse la plus dévastatrice jamais enregistrée. La forme particulière de cette grippe, caractérisée par une évolution rapide et sévère, a abouti à quelque 20 millions de décès. A l'époque, on avait supposé que les ravages inhabituels du virus influenza A étaient dus au mauvais été général des populations où il sévissait (suites immédiates de la Première Guerre mondiale). Maintenant, on cherche à comprendre le phénomène au niveau moléculaire, pour tenter d'anticiper la survenue d'une nouvelle pandémie. Les chercheurs se sont intéressés aux produits des gènes de l'hémagglutinine (HA) et de la neuraminidase (NA).
On sait que ces molécules, qui constituent la majorité des glycoprotéines de surface du virus influenza, représentent des cibles importantes pour la réponse immunitaire de l'hôte. Des modifications significatives de leur structure peut étendre le nombre des organismes où le virus exerce sa pathogénicité, ou augmenter la virulence de l'infection.
Le séquençage complet de certains gènes du virus grippal de 1918, qui a pu être réalisé tout récemment, a permis d'étudier les fonctions des protéines codées dans des virus réalisés à l'aide d'une méthode de biologie moléculaire permettant de générer des particules virales infectieuses, à partir d'ADN complémentaire cloné.
Une banque de tissus de personnes infectées à l'époque.
La séquence du gène récepteur et de fusion de l'HA de ce virus a été déterminée en 1999, à partir d'une banque de tissus de personnes infectées à l'époque. Peu après, on a séquencé le gène NA.
Ensuite, des virus contenant des gènes de HA et de NA de la souche virale influenza A de la pandémie de 1918 ont été produits.
Darwyn Kobasa et coll. (Canada et Japon) démontrent que l'ajout de HA provenant de cette souche est de nature à transformer en pathogène une souche virale normalement adaptée à la souris. Les virus contenant l'HA de 1918 deviennent létaux, ce qui n'était pas le cas auparavant et ce qui ne se démontre pas avec le NA. De plus, lorsqu'ils contient le gène, le virus recombinant suscite un afflux de cytokines pro-inflammatoires et de macrophages dans les bronchioles pulmonaires du modèle animal. « La sévérité des maladies induites par les virus influenza chez l'homme est corrélée à l'aptitude des souches virulentes à faire produire des macrophages et des cytokines », expliquent Kabasa et coll.
Des hémorragies pulmonaires.
Les poumons des souris sont entièrement enhahis de cellules inflammatoires et parsemés d'hémorragies sévères, qui ont été des traits caractéristiques de l'épidémie de 1918. On suppose que ce virus est provenu d'une source aviaire, puisqu'il a circulé pendant un certain temps chez les humains ou chez un autre hôte possédant des récepteurs identiques aux humains tels que le cochon. Assez longtemps en tout cas pour que le virus puisse développer une préférence pour le récepteur humain.
Le gène HA est donc déterminant pour une pathogénicité élevée, mais « la virulence du virus influenza est probablement un trait polygénique », suppose-t-on. D'autres produits de gènes, tels que la protéines non structurale NS1, peuvent être impliqués.
« Nature », vol. 431, 7 octobre 2004, pp. 703-707.
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