Arts
AU DEBUT du XXe siècle, le Mexique, qui subissait une crise économique et des mouvements sociaux solidement réprimés, vit de nombreux artistes quitter le pays vers « le Vieux Continent » ou vers l'Amérique pour « faire leurs classes ». Roberto Montenegro, après un voyage en Espagne, découvrit la France et se lia d'amitié avec Henri de Régnier ; Zayas s'installa à New York puis arriva à Paris où il croisa Apollinaire ; Diego Rivera sillonna la Belgique, rencontra Angelina Beloff à Bruges, puis à Paris, côtoya Foujita, Mondrian et Lipchitz...
Ce sont quelque 300 œuvres mexicaines nées de cette diaspora artistique des années 1910 à 1960 qui sont exposées ici - peintures, sculptures, photographies, films. Elles sont confrontées aux travaux des peintres européens rencontrés par ces artistes d'Amérique centrale : ainsi, un nu de Modigliani côtoie-t-il une Maternité de Carlos Merida ; un paysage de Diego Rivera fait-il bon ménage avec une femme de Van Dongen... Les premières salles de l'exposition soulignent de la sorte l'importance du rapprochement entre les deux cultures.
Les artistes mexicains, même s'ils concevaient leurs travaux dans un fort souci identitaire, ne faisaient pas moins cas des expériences européennes avant-gardistes. Ils puisaient leur inspiration dans leur propre passé et dans leurs traditions, mais ils assimilèrent en même temps la modernité picturale. Un exemple de cette fusion est dans le mouvement du « stridentisme », développé au Mexique dans les années 1920, influencé par la vitesse, le cosmopolitisme et le machinisme, dans une constante exaltation de la couleur. On pense bien sûr au futurisme et à Fernand Léger. Mais il faut observer que la plupart des membres du stridentisme n'avaient pas voyagé en Europe, et la singularité et le caractère très local de ce mouvement restent étonnants.
On sera d'abord mené à la découverte des précurseurs majeurs tels le graveur populaire José Guadalupe Posada ou le peintre naïf Hermenegildo Bustos, sans oublier l'étonnant Dr. Atl.
Hommage à la peinture murale.
Mais c'est surtout dans la salle dédiée au mouvement muraliste, avec les fresques de Rivera, de Siqueiros et de Montenegro, que l'on s'arrêtera. Soutenue par le gouvernement révolutionnaire, et jouant un rôle politique et social important, la peinture murale est devenue un élément caractéristique du Mexique moderne. A partir de la fin des années 1920, les plus grands muralistes, souvent forcés de s'exiler pour des raisons politiques, s'installent aux Etats-Unis, où ils influencent des peintres comme Jackson Pollock et Ben Shahn.
L'exposition est très riche. Elle offre évidemment à voir les légendaires autoportraits et natures mortes de Frida Kahlo, mais aussi les œuvres surréalistes de Rufino Tamayo et de Maria Izquierdo qui fascinèrent André Breton et Antonin Artaud, les photos de Manuel Alvarez Bravo ou les abstractions de Gunther Gerzso et Rufino Tamayo, ou encore les gravures de José Clemente Orozco, ainsi que les œuvres expressionnistes souvent ironiques de Léopold Mendez et de José Guadalupa Posada.
L'identité plastique et l'explosion stylistique de la création picturale mexicaine au XXe siècle sont très fortes. Des couleurs stridentes et une lumière exceptionnelle habitent ces œuvres profondes et étonnement universelles.
« Mexique-Europe, allers-retours 1910-1960 ». Musée d'art moderne Lille Métropole., 59650 Villeneuve-d'Ascq. Tél. 03.20.19.68.68. Tlj sauf mardi de 10 h à 18 h (jeudi jusqu'à 21 h et dimanche jusqu'à 18 h 30). Jusqu'au 16 janvier 2005. Catalogue aux éditions Cercles d'Art, 320 pages.
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