Obésité de l'enfant
LA PREVALENCE de l'obésité infantile est en progression depuis plusieurs décennies dans les pays industrialisés, en particulier en France. Elle est actuellement d'environ 10-12 % chez les enfants de 5 à 12 ans nés vers les années 1980-1985. L'augmentation est plus marquée pour les obésités massives, qui ont été multipliées par 5 en seize ans, que pour les obésités modérées, multipliées par 2 pendant la même période. Cette prévalence reste plus faible en France qu'aux Etats-Unis, ou elle dépasse 15 % des enfants de plus de 6 ans. Mais son augmentation pourrait être au moins aussi importante. La progression de l'obésité de l'enfant constatée permet de présager une accélération de l'augmentation de l'obésité de l'adulte dans les années futures.
Des études récentes ont montré que l'obésité de l'enfant est associée à une majoration du risque cardio-vasculaire. Cet accroissement du risque commence dès l'enfance. Une étude longitudinale effectuée sur une durée de plus de cinquante ans, la Harvard Growth Study, avait montré que l'obésité à l'adolescence multipliait les risques de mortalité par maladie coronarienne ou par accident vasculaire cérébral par 2 et 13 respectivement, quelle que soit l'évolution pondérale au-delà de l'adolescence. Plus récemment, le suivi prolongé sur 57 ans de plus de deux mille enfants de la Boyd Orr Cohort a confirmé l'existence d'une surmortalité coronarienne chez les sujets ayant été obèses durant l'enfance.
Une surmortalité cardio-vasculaire.
Récemment, des anomalies artérielles ont été mises en évidence chez des enfants obèses. Une échographie de l'artère carotide a en effet été réalisée chez 48 enfants atteints d'obésité sévère et chez 27 enfants témoins. Chez les enfants obèses, la compliance et la distensibilité artérielles étaient significativement plus faibles que chez les enfants ayant un poids normal. Par ailleurs, il a été montré que la tension pariétale artérielle était plus élevée chez les enfants obèses. Il en allait de même du module élastique incrémentiel de leur carotide (plus ce module est élevé, plus l'artère est considérée comme « rigide », indépendamment de sa géométrie). Enfin, des anomalies de la fonction endothéliale ont été constatées chez ces enfants.
De telles anomalies artérielles, décelables dès l'enfance en cas d'obésité, doivent être considérée comme inquiétantes. Elles démontrent en effet que la maladie artérielle commence très tôt dans la vie. Elles sont, par ailleurs, fréquemment associées à des anomalies métaboliques, comme chez l'adulte. Elles constituent autant de facteurs de risque vasculaire. C'est le cas de la diminution de la concentration plasmatique d'apolipoprotéine A-1, de l'insulinorésistance et de la localisation abdominale de la masse grasse. Plus récemment, la leptine, dont la concentration plasmatique est augmentée chez l'obèse, a également été rendue en partie responsable de la genèse des anomalies artérielles observées chez l'enfant. Enfin, il vient d'être démontré que les anomalies artérielles sont associées à une augmentation de la ferritinémie.
Un dépistage nécessaire.
Ainsi, la prévalence de l'obésité de l'enfant est en augmentation en Europe. Ce phénomène est particulièrement inquiétant, car il s'accompagne fréquemment d'anomalies mécaniques et fonctionnelles des artères et d'un accroissement de la mortalité cardio-vasculaire à l'âge adulte. Les complications artérielles associées à l'obésité commencent dès l'enfance. C'est principalement pour ces raisons que l'obésité de l'enfant doit être dépistée et prise en charge. En attendant la mise au point de thérapeutiques plus efficaces de l'obésité, le traitement spécifique de ses complications artérielles doit être l'un des axes prioritaires de recherche de l'obésité infantile.
D'après un entretien avec le Pr Patrick Tounian, gastroentérologie et nutrition pédiatriques, hôpital Armand-Trousseau, Paris).
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