L E projet du G7 va-t-il bientôt devenir celui du G6 ? De vifs remous agitent en tout cas la Fédération des médecins de France (FMF) qui, aux côtés de la Confédération des syndicats médicaux français, du Syndicats des médecins libéraux, de la CGT, de FO, de la CFTC et de la CFE-CGC a négocié ce projet de réforme du système de santé.
L'une des dispositions figurant dans ce texte - la disparition programmée du secteur à honoraires libres - soulève, en effet, de vives protestations de plusieurs responsables nationaux de la FMF.
Le projet du G7 indique que, si les praticiens actuellement en secteur II pourront continuer à appliquer les honoraires libres, plus aucun médecin n'aura désormais la possibilité d'entrer dans ce secteur. Le texte du G7 va donc plus loin que la réglementation actuelle qui autorise encore les anciens chefs de clinique et anciens assistants des hôpitaux à opter pour les honoraires libres lorsqu'ils s'installent en libéral. Certes, cette disposition a été incluse dans la plate-forme du G7 parce qu'elle correspond aux souhaits des syndicats de salariés hostiles, de longue date, au système des honoraires libres qui limite, à leurs yeux, l'accès aux soins et pénalise les plus défavorisés. Mais la mort annoncée du secteur à honoraires libres résulte aussi de la méthode de discussion choisie par les membres du G7.
« Nous n'avons pas voulu partir de ce qui existe à l'heure actuelle et nous prononcer par rapport au secteur I ou au secteur à honoraires libres, souligne le Dr Claude Maffioli, président de la CSMF. Nous avons essayé de voir ce qui pouvait correspondre aux souhaits des assurés sociaux représentés par les syndicats de salariés et aux souhaits des professionnels. A partir du moment où nous proposons un secteur conventionnel revalorisé avec un tarif des actes médicaux correspondant à leur juste valeur (NDLR : la valeur de la consultation devrait, selon le G7, passer de 115 à 200 F) ; à partir du moment où nous proposons que cette valeur soit indexée régulièrement ; à partir du moment où les médecins pourront continuer à avoir des espaces de liberté pour pratiquer des actes qui ne seront pas remboursés par la Sécurité sociale, par exemple les échographies de grossesse au-delà de trois, le secteur II n'a plus de justification. »
Une proposition du Dr Pommey
On ne l'entend visiblement pas de cette oreille à la Fédération des médecins de France. Plusieurs voix se sont élevées pour protester contre la longue agonie programmée du secteur II. Une telle réaction ne saurait d'ailleurs surprendre, venant de la part d'un syndicat médical qui, au début des années quatre-vingt, a été à l'origine de la création du secteur à honoraires libres. Elle s'est d'abord manifestée sous la forme d'une tribune libre du Dr Albert Eisenfisz (« le Quotidien » du 21 mai). Dans ce texte, le secrétaire général de la FMF se livrait à un vibrant plaidoyer en faveur du secteur II. « Les médecins du secteur à honoraires libres, écrivait-il, sont le fer de lance de l'opposition aux plans Juppé et successeurs. La disparition de ce secteur serait donc purement idéologique (...) ; son maintien et sa réouverture sans condition serait au contraire le gage de confiance indispensable à la réalisation et à la pérennité d'un exercice conventionnel attractif puisque librement consenti. » Aujourd'hui, c'est le Dr Bernard Pommey, vice-président de la FMF, qui prend le relais. Répondant à l'avance à ceux qui demandent à la FMF de se prononcer sur l'ensemble du projet du G7 et non pas sur chacune de ses parties, le Dr Pommey écrit, dans un texte adressé au « Quotidien » : « On peut s'interroger sur l'opportunité, dans une négociation, d'imposer d'établir, prétendument consensuellement, des règles et des procédures qui, sur le fond, seraient récusées et refusées par un pourcentage important du corps médical en exercice ou en formation. »
Bref, le vice-président de la FMF récuse la loi du « c'est à prendre ou à laisser » que voudraient, laisse-t-il entendre, lui imposer ses partenaires du G7.
Sur le fond du problème - la disparition des honoraires libres - le Dr Pommey propose « d'expérimenter, pour une période de quatre ans, avec bilan au terme de cette période, la coexistence (certains diraient la cohabitation), du secteur conventionnel à honoraires libres et du secteur conventionnel revalorisé (que propose le document du G7) ; les praticiens voteraient avec leur pied en choisissant leur secteur d'exercice et les patients feraient de même en choisissant leur médecin ».
L'incertitude du 16 juin
Président de la FMF - et ayant participé, à ce titre à la rédaction de la plate-forme du G7 et à sa présentation à la presse -, le Dr Jean Gras est demeuré pour l'instant silencieux sur ce dossier. Il laisse cependant entendre que l'assemblée générale de la FMF, qui doit se réunir le 16 juin pour examiner le document du G7, pourrait se prononcer chapitre par chapitre et que la ratification du texte par la Fédération n'est pas acquise.
Les hésitations de la FMF soulèvent une certaine irritation - c'est un euphémisme - dans les deux autres syndicats médicaux membres du G7. Pour eux, il n'est pas question de modifier en quoi que ce soit la plate-forme du G7 qu'ils présentent comme un accord politique global entre représentants des médecins libéraux et des salariés. « La FMF doit choisir : elle accepte le texte ou elle le rejette ; mais il n'est pas question de le renégocier », indique en substance le Dr Cabrera, président du SML. Une analyse partagée par le Dr Claude Maffioli. Ces responsables d'organisations de praticiens savent bien, du reste, que modifier le chapitre sur les honoraires libres constituerait un casus belli pour les syndicats de salariés et romprait le fragile équilibre du texte.
Seconde étape
Peu charitable, le président de la CSMF fait remarquer que le G7 se remettrait de l'éventuel départ d'une organisation « ultraminoritaire » (la FMF a réuni 6 % de suffrages des médecins aux dernières élections professionnelles).
Les responsables du G7 qui doivent se retrouver aujourd'hui pour une réunion de suivi - au cours de laquelle la FMF compte bien évoquer le problème du secteur II - souhaitent maintenant entamer rapidement la seconde phase de leur opération commune. Il s'agit pour eux de faire connaître et de défendre auprès de leurs interlocuteurs politiques et sociaux leur proposition commune de réforme du système de santé. Ils vont y mettre d'autant plus d'énergie que leur initiative, font-ils valoir, dispose de nombreux atouts : elle émane d'organisations représentant l'écrasante majorité de médecins libéraux et de quatre des cinq grands syndicats de salariés. Et elle intervient dan un contexte où le gouvernement et, plus globalement, la classe politique a pris conscience de la nécessité de réformer l'organisation des soins de ville.
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