EN TERMES FAMILIERS, on dirait que l’on n’est pas sorti de l’auberge.
Et, décidément, le feuilleton déjà bien long, pour certains praticiens, de ces élections aux unions régionales de médecins libéraux pourrait bien se poursuivre au-delà de la date d’aujourd’hui, jour du dépouillement du scrutin et de la proclamation des résultats.
Confirmant en effet les informations du « Quotidien » (notre édition du 29 mai), la Fédération des médecins de France (FMF) envisage très sérieusement de déposer des recours dans chaque région contre ce scrutin, dès le lendemain des résultats, et en tout cas dans les dix jours qui les suivent, délai imparti pour contester ces résultats auprès des tribunaux d’instance.
En cause : la publication, par certains syndicats médicaux, de professions de foi et de tracts durant la campagne électorale officielle – la période du 15 au 29 mai –, ce qui est formellement interdit par la circulaire organisant ce scrutin.
Lettre aux préfets.
Pour prendre date et marquer sa volonté de contester ce scrutin devant la justice, le président de la FMF, le Dr Jean-Claude Régi, a déjà fait parvenir une lettre à chaque préfet de région pour l’informer des nombreuses «irrégularités susceptibles de rompre l’égalité entre les listes en présence et d’influer gravement sur le résultat de ces élections».
Pour les responsables de la FMF, il «est inadmissible que l’on joue sans impunité avec la réglementation». D’où cette lettre aux préfets de région et la décision des membres du bureau de la FMF de déposer des recours en annulation de ce scrutin. Reste à savoir si elle est irrévocable. «On peut toujours revenir sur une décision, reconnaît prudemment un membre du bureau de la fédération, mais je ne vois pour l’instant aucune raison que nous l’annulions.»
A moins que les résultats des élections soient si positifs pour la FMF qu’ils l’incitent à revoir sa position. «Nous sommes persuadés que nous allons obtenir de bons résultats, mais ce n’est pas cela qui nous fera changer d’avis, explique le Dr Régi. En revanche, il est certain qu’une annulation du scrutin aurait des conséquences importantes pour les médecins, puisque ce sont eux, à travers leur unions, qui financent ces élections et sans doute nous faudra-t-il prendre en compte cet élément lorsque nous déciderons de contester ce scrutin. Mais pour l’instant nous y sommes décidés et notre avocat travaille sur ce dossier.»
Ambiance...
Pour les autres syndicats médicaux, notamment la Csmf et le SML, montrées du doigt par la FMF, cette menace n’est pas vraiment prise au sérieux, semble-t-il, et en tout cas ne provoque pas d’émoi particulier. «Pour l’instant, la FMF menace et affirme à qui veut l’entendre qu’elle se réserve le droit de déposer un recours après les élections, ironise Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux. Jean-Claude Régi se garde bien d’assurer à 100% qu’il va contester ces élections. Et je serais curieux de savoir ce qu’il va faire si son score à ces élections dépasse toutes ses espérances. » Et, pour le Dr Cabrera, une telle démarche est symptomatique, «venant d’une organisation qui n’avait pour programme qu’un seul mot: non à tout». Ambiance.
Même ton du côté de la Confédération des syndicats médicaux français. «Ceux qui se vantent de vouloir laver plus blanc que blanc feraient bien de se méfier et de balayer devant leur porte, s’insurge le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. Nous avons fait une campagne digne, fondée sur des idées, sans jamais nous en prendre aux hommes. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde et j’en ai la preuve.» Le Dr Chassang dit aussi avoir en sa possession des documents qui montreraient, dit-il, que la FMF a également transgressé la réglementation en envoyant hors délai des tracts et des imprimés aux médecins. «Je n’ai de leçon à recevoir de personne», affirme le président de la Csmf. «Je n’avais absolument pas l’intention de ne pas respecter les termes de la circulaire, poursuit-t-il. Et si je l’ai fait, c’est parce que d’autres avaient décidé d’emprunter ce chemin et que la Csmf ne pouvait les laisser faire sans réagir.» Re-ambiance.
Du côté de MG-France, on observe cette polémique avec un certain sourire, c’est évident. Et le Dr Pierre Costes, son président, enfonce le clou en ironisant sur les initiatives de la Csmf et du SML. «Durant toute la campagne, je n’ai fait paraître qu’une publicité payante. D’autres ont choisi une autre tactique»,explique le président de MG-France. «Mais, lorsqu’on a un mauvais produit, ce n’est pas parce qu’on fait de la réclame, ajoute-t-il, qu’on attire les acheteurs et qu’on arrive à le vendre.» Et le Dr Costes en remet une couche en dressant quelques lauriers au Dr Régi. «Je connais l’éthique et la droiture du DrRégi et je comprends tout à fait son indignation», dit-il. De là à penser que cette initiative aboutira et que les médecins libéraux devront se soumettre à un nouveau scrutin, il y a une marge. «Je ne pense pas que cela suffise à annuler les élections», affirme le président de MG-France. Ce n’est évidemment pas le sentiment ni l’espoir du président de la FMF.
Mais cette nouvelle affaire est à l’image de la campagne électorale qui vient de s’achever et du climat parfois détestable et délétère qui l’a entourée. Elle laissera des traces.
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