Il n’est plus lieu d’en douter. Au 1er janvier, le C passera à 23 euros. Mais cette revalorisation tant attendue risque de se figer en un palier voué à ne plus évoluer pendant certainement de très longues années. Est-ce à dire, qu’après 3 % de hausse par an en moyenne depuis le début des années 2000, les revenus des généralistes sont désormais condamnés au surplace ? Non, mais qu’on se le dise, l’avenir appartient clairement à la diversification des modes de rémunération. La semaine dernière à Orbec, dans le Calvados, le président de la République a développé un puissant plaidoyer dans ce sens. La doctrine des trois étages, souvent défendue et déjà esquissée par l’Assurance-maladie, est désormais une religion d’État.
De façon un peu curieuse, Nicolas Sarkozy juge qu’il est « humiliant » pour les médecins de devoir tendre la main pour obtenir un euro de plus lors des négociations conventionnelles. De plus, « ce n’est pas satisfaisant pour nous et cela ne permet pas de faire de la pédagogie de l’économie de la santé », a précisé le chef de l’État. Cependant, le paiement à l’acte restera le socle de la rémunération car Nicolas Sarkozy le lie à l’indépendance des libéraux, à l’inverse du salariat. Mais, sur ce socle, devront désormais se développer les forfaits et le paiement à la performance. Les premiers sont déjà présents et gagnent du terrain ( forfaits ALD et PDS notamment). Sur quoi pourront porter les prochains ? À Orbec, Nicolas Sarkozy a lancé quelques pistes qui devront permettre de mieux tenir compte « d’autres engagements du professionnel », en particulier dans la prévention « qui n’est aujourd’hui absolument pas rémunérée ». Dans ce contexte, la demande de MG France d’une généralisation d’un forfait « médecin traitant » pourrait peut-être être entendue. Reste encore à savoir à quelle hauteur le gouvernement évalue ce nouveau forfait. Pour l’instant, le président de la République s’est contenté d’avancer qu’« à la campagne, on pourrait parfaitement imaginer une rémunération forfaitaire complémentaire ».
Du C éclaté au C modulé
Enfin, et c’est une idée également défendue par MG France mais qui a mis du temps à faire son chemin chez les pouvoirs publics, le forfait « structure » devra permettre de financer informatique, secrétariat, murs et pourra être utilisé comme levier pour favoriser les regroupements.
Moins disert sur le sujet mais raccord avec la CNAMTS, le président de la République souhaite également un troisième niveau « en fonction d’objectif de santé publique, de qualité et d’efficience ». Le mot de CAPI n’a pas été prononcé mais la voie est désormais libre pour leur généralisation dans la prochaine convention, le directeur de la CNAMTS ayant obtenu de haute lutte du Parlement une modification législative pour pouvoir le faire. Autrement dit, l’introduction d’une part variable dans la rémunération des médecins est désormais inéluctable. Même si un généraliste sur trois s’est déjà laissé tenter par le contrat proposé par Frédéric Van Roekeghem, il n’est pas certain que l’ensemble de la profession en ait envie.
En revanche, la proposition d’Élisabeth Hubert, dans son rapport sur la médecine de proximité, pour un C modulé, en réalité éclaté de 11 à 70 euros, semble déjà avoir fait long feu. Nicolas Sarkozy ne semblait pas opposé sur le principe. Après tout, « est-il normal de payer de la même façon la consultation du diagnostic où le médecin va passer beaucoup de temps et la consultation qui consiste simplement à reconduire un médicament », s’est-il interrogé lors de la table ronde d’Orbec. L’obstacle semble davantage d’ordre pratique et financier. Le directeur de la CNAMTS avait déjà fait ses petits calculs. Pour 10 % de consultations lourdes qui seraient honorées 60 euros, il faudrait qu’un tiers de l’ensemble des consultations passe à demi-tarif. « Les syndicats médicaux ne seraient d’accord, à la limite, que pour des demi-C pour des consultations téléphoniques » prédit-il, réaliste. Dans l’esprit d’Élisabeth Hubert, « les rémunérations s’inscriraient dans un éventail de quatre ou cinq tarifications, d’une plus faible à une plus élevée, selon que l’acte est simple et peu chronophage chez un patient jeune et connu ou complexe, chez un patient nouveau, polypathologique et présentant des symptômes nouveaux ». Plus facile à dire qu’à mettre en place ! On imagine les responsables de la Sécu s’arracher les cheveux pour traduire cette proposition.
Refonte de la CCAM clinique
À la place, la CNAMTS réfléchit depuis longtemps (mais lentement...) à une refonte de la CCAM clinique dans un sens plus hiérarchisé qu’aujourd’hui. Cette solution a l’avantage d’avoir également la faveur des syndicats médicaux et qui permet aussi de mieux « contrôler » l’activité des médecins. Mais elle avance à pas prudents sur cette voie craignant une dérive inflationniste. Un risque que balaye la CSMF qui milite depuis longtemps pour une rémunération des consultations « en fonction de leur contenu » avec un C plancher. Elle propose de « mettre en œuvre ce dispositif en commençant par les consultations longues, à l’instar de ce qui existe déjà pour certaines spécialités comme la cardiologie et qui n’a pas conduit à l’explosion des dépenses redoutées par certains », et qui pourrait être rémunérée jusqu’à 4 C. Dans l’esprit des syndicats, le C demeure donc l’unité de base et, cela va sans dire, le seuil minimal. De son côté, MG France entend bien continuer de tirer toutes les conséquences de la reconnaissance de la spécialité de médecine générale. Autrement dit, à terme, une consultation, ce doit être Cs+MPC+MCS soit 28 euros, ne serait-ce que pour rémunérer le travail de coordination des généralistes.
Une réforme à tout petits pas
La quadrature du cercle dans cette affaire réside dans le fait que ce grand chantier de la rémunération doit se faire à enveloppe constante. L’Ondam limité à 3 % suffit, en effet, à peine à absorber la hausse de la demande de soins. Et le gouvernement n’a pas réalisé la douloureuse réforme des retraites pour maintenant « dépenser sans compter », a encore dit Nicolas Sarkozy. Tout porte à croire que la diversification va donc se faire à touts petit pas. À moins que ce mouvement s’accompagne d’un transfert progressif de certaines compétences vers d’autres professionnels de santé. Le président de la République y a fait une allusion rapide. Le député UMP Laurent Hénart doit justement rendre un rapport sur les nouveaux métiers de la santé. Quant aux ministres Xavier Bertrand et Nora Berra, ils doivent ouvrir la concertation avant la fin de l’année. Des décisions seront prises dès 2011 a assuré le chef de l’État qui encourage en attendant la poursuite des expérimentations.
La réforme sera-t-elle achevée avant l’échéance électorale de 2012 ? À défaut, quel que soit le gouvernement suivant, on peut parier que la fin de l’hégémonie du C sera de toute façon au programme. Le PS n’a-t-il pas adopté il y a huit jours un texte sur « l’Egalité réelle » qui promet le paiement à l’acte à une place « résiduelle » ?
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