Dans les entreprises privées, analyser la structure des coûts relève du lieu commun. Tout industriel qui se respecte dispose d’une comptabilité analytique et mieux, d’un système décisionnel qui produit des tableaux de bord d’activité exploitée qui pour le reporting, qui pour l’analyse budgétaire. Marchant sur ces traces, l’administration adopte progressivement les mêmes pratiques, poussée par la rationalisation de moyens. Connaître ses activités pour mieux décider, tel est le nouveau credo qui consacre la fin du pilotage à vue. On navigue désormais en connaissance de cause. Cette nouvelle approche qui a fait ses preuves aux finances a eu du mal à investir le champ de la santé. C’est tabou, car la santé n’aurait pas de prix. Demandez aux cliniques, elles vous le diront : l’analyse du coût par pathologie et la tarification à l’activité (T2A) constituent des concepts qu’elles manipulent depuis longtemps sous des appellations différentes. Depuis peu, les hôpitaux s’y mettent. Bref, toute la branche de la santé se reconvertit à l’analyse des coûts ou mieux, au pilotage d’activité, grâce à des tableaux de bord diffusés par des systèmes d’information décisionnels qui se démocratisent au fil des ans. L’exploration du terrain met en lumière un environnement en chantier où différentes solutions du marché sont intégrées ici et là.
L’exemple de l’Institut Montsouris
Dans les établissements hospitaliers, la démarche est plutôt progressive. À l’Institut mutualiste Montsouris par exemple, l’objectif est d’organiser autour du patient les données produites au sein de l’établissement. Ce dernier a pris le parti de positionner sa plate-forme de gestion intégrée Qualiac comme pivot de son infocentre. À ce titre, elle est alimentée par l’ensemble des logiciels utilisés dans cet hôpital. En sortie, le système Business Objects permet de construire des univers multimentionnels pour produire des tableaux de bord d’activité exploités pour une connaissance fine des dépenses par patient. À terme, le déploiement de la solution de circuit du médicament de Siemens intégrée au dossier patient Clinicom permettra à l’IMM de disposer d’une meilleure structure de ses coûts liés aux médicaments. Il sera alors possible de produire des statistiques illustrant la consommation de molécule par personne soignée. Un grand atout pour la connaissance des dépenses et la facturation au plus juste.
Le projet du CHU de Montpellier
Au Chu de Montpellier, le pilotage d’activité s’inscrit dans un contexte de nouvelle gouvernance sur fond de contractualisation des relations avec les nouveaux pôles. Ces derniers avaient besoin de s’appuyer sur une solution leur permettant de suivre les objectifs définis par la direction générale. Le système d’information décisionnel est apparu comme un support d’aide à la décision et un outil stratégique au service du management.
Le projet a été mené dans le cadre du programme du Gmsih dédié à l’intégration d’un système décisionnel. Mené en 2007, il avait permis de retenir la solution Cognos exploitée comme requêteur multidimensionnel. Depuis sa mise en production, l’architecture de pilotage du CHRU de Montpellier concerne près de 1 000 utilisateurs sur site (pôles, pharmacie, praticiens, encadrement, directions fonctionnelles). Elle met à leur disposition deux versions de tableaux de bord : d’un côté, ceux à dimension stratégique qui servent de support aux réunions de suivi budgétaire, et, de l’autre, ceux à vocation opérationnelle et à ce titre, exploités au quotidien par l’encadrement des pôles et les instances de direction.
La gestion de la qualité des données
L’un des points critiques de ce type de chantier est la gestion de la qualité des données. Produire des tableaux de bord en partant des informations erronées entraînerait une prise de décision sur des critères irréalistes. Dangereux pour la gestion et l’équilibre budgétaire. À l’heure de la T2A, c’est tout le financement d’un établissement qui serait remis en question. Pour relever le défi de cette problématique, l’équipe de projet a choisi de mettre en place des mécanismes de contrôle réguliers sur les données.
Progressivement, la solution décisionnelle qui a été déployée au CHRU de Montpellier a rencontré un large succès. Son panel d’utilisateurs est de plus en plus large. Un tel succès est à porter à l’actif de la direction générale qui a porté ce projet depuis le début, prouvant ainsi son caractère fondamental au sein de l’établissement. Faut-il le rappeler, le management a un rôle déterminant dans la prise en main d’un tel outil.
Tout comme le CHRU de Montpellier qui est l’un des sites hospitaliers les plus avancés dans l’utilisation d’instruments de pilotage automatisés, d’autres établissements avancent dansl’intégration de solutions de pilotage. À Paris, la clinique Geoffroy Saint-Hilaire est à l’aube d’une nouvelle ère qui devrait être marquée par l’analyse des coûts par pathologie. En attendant ce changement induit par la généralisation d’une nouvelle solution à l’échelle du groupe Générale de Santé dont il fait partie, l’établissement utilise différents outils pour produire ses tableaux de bord. « Nous exploitons le logiciel Magnitude pour réaliser notre reporting financier ; le logiciel Cegi met à notre disposition un module de gestion des plannings, Grimoires qui permet l'analyse des taux d’occupation du blocs, la gestion des lits et des rendez-vous et le logiciel Generix pour les achats. Au total, nous disposons d’une vingtaine d’indicateurs que nous exploitons à des fins de pilotage de nos activités », explique Alexandre Plé, responsable du système d’information. En fait, pour le moment, cette clinique ne bénéficie pas encore d’une architecture décisionnelle centralisée qui permet d’alimenter des entrepôts de données métiers (par unité de soins ou par pôle d’activité, selon les cas). Autre enseignement du cas de la clinique Geoffroy Saint-Hilaire, la possibilité pour les établissements de capitaliser sur les solutions décisionnelles embarquées dans les SIH. Car faut-il le rappeler, la majeure partie des éditeurs propose désormais des modules de pilotage dont la couverture fonctionnelle n’est pas toujours aussi large que celle des solutions généralistes.
Chez McKesson, le SIAP constitue une suite d’outils d’aide à la performance. Elle est composée d’un entrepôt de données de pilotage alimenté par un des mécanismes de l’ETL BO Data Integrator, qui facilite l’intégration de données dans l’univers décisionnel et garantit l’intégrité de l’information. S’y ajoutent trois modules analytiques : Analyse des dépenses : Tomes 1 et 2, et CAR– Compte de résultats par pôle– Coûts par séjour. Enfin, le SIAP intègre également un portail décisionnel pour la nouvelle gouvernance et le partage de l'information de pilotage, sans oublier un module d'enrichissement et d'échanges avec l'entrepôt de données SIAP. Plus généralement, ce dernier est alimenté à partir des indicateurs des infocentres métiers que propose l’éditeur.
Des indicateurs d’activité
L’accès aux fonctions de cet environnement décisionnel est soumis à la politique sécuritaire de l’établissement. Concrètement, les outils du SIAP sont par exemple utilisés par les contrôleurs de gestion qui peuvent ainsi croiser les données économiques, métiers et celles issues des bases opérationnelles et procéder à des analyses et à la publication de tableaux de bord. De son côté, Softway Medical offre également, à travers sa solution Hopital Manager, un module de Business Intelligence. Sa vocation : permettre à ses utilisateurs d’exploiter la richesse des données administratives et médicales de l’établissement. À chaque métier de l’hôpital, il propose des tableaux de bord intégrant des indicateurs d’activité à configurer en fonction de ses exigences professionnelles. Pour optimiser la mise en production de cet environnement décisionnel embarqué, l’éditeur y a intégré en standard une palette d’indicateurs prêts à l’emploi.
Un outil décisionnel à pilotage événementiel
Avec Cerner Millenium, le pilotage passe par la solution Discern Expert. Il s’agit d’un outil décisionnel s’appuyant sur des règles à pilotage événementiel. Ces dernières permettent aux utilisateurs de définir les paramètres cliniques et administratifs devant être appliqués aux données d'événements récupérées ou générées par d'autres applications. En complément, l’éditeur propose au médecin une solution qui l’aide dans son diagnostic et le choix du traitement : Executable Knowledge. Elle s’appuie sur les connaissances médicales récentes adaptées au contexte du patient intégré dans la plate-forme Millenium.
On le voit, les éditeurs métiers prennent désormais la mesure du besoin décisionnel dans leurs offres. En cela, ils se positionnent, selon les cas, comme des concurrents ou des partenaires de fournisseurs de solutions de Business Intelligence qui sont confrontés à une forte concurrence. Sur ce terrain, Microsoft, partenaire de CrystalNet, joue un rôle de trublion avec son offre embarquée nativement dans SQL Server. Celle-ci est présente, par exemple, au Chu de Bordeaux comme moteur Olap. En fait, elle propose un tout intégré assorti d’outils de reporting, une base de données, un ETL, les cubes.
Longtemps parents pauvres de solutions décisionnelles, les établissements hospitaliers ont su virer leur cuti, poussés par un contexte économico-réglementaire rigoureux. De taille imposante ou modeste, ils enrichissent désormais leur SIH de modules décisionnels, aidés par une offre mature. Résultat : c’est la fin de la navigation à vue. Les tableaux de bord jouent le rôle de boussole.
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