LA DÉFAITE DES LIBÉRAUX se traduit, en quelque sorte, par la victoire des collectivistes. C'est l'effet du moment : la crise est tellement obsédante à l'heure actuelle qu'on en vient à envisager toutes sortes de contrôles étatiques pour mettre fin à la gabegie, sans se souvenir qu'on a déjà fait largement l'expérience des économies dirigées et qu'elle a lamentablement échoué. Il est vrai cependant que, dans des situations de stress maximal, le pouvoir politique est conduit à faire exactement le contraire de ce qu'il a toujours préconisé. Témoin, George Bush qui, dans le cas des organismes de prêts immobiliers Fannie Mae et Freddie Mac, et de l'assureur AIG, n'a pas trouvé d'autre solution que d'engager le gouvernement fédéral pour des sommes tellement élevées que, en pratique, les trois institutions sont nationalisées.
Ce qu'on aurait pu faire avec l'argent volatilisé.
Un autre argument joue en faveur, sinon de la nationalisation, du retour à une régulation sévère : ceux qui perdent le plus dans cette crise, ce ne sont pas les riches ou les gens aisés, ce sont les classes moyenne et pauvre. Si l'on se contente d'observer la France, on note que les ravages de la crise vont se produire dans une période de réformes et au moment où les pouvoirs publics tentaient de relancer le pouvoir d'achat. On mesure l'inanité des efforts gouvernementaux quand on entend dire que les banques françaises «ne sont pas trop exposées» à la décomposition du système financier américain, à peine 1 milliard ou 2, alors que l'épargne va être ponctionnée de 1,5 milliard par an au titre du RSA. Tous les milliards perdus par nos banques depuis le début de l'année auraient été très utiles pour sortir quelques centaines de milliers de nos concitoyens de la misère. Pour cela, il eût suffi que les banques françaises refoulent leur cupidité et se tiennent à l'écart de procédés dont la complexité ne sert qu'à déguiser des pratiques répréhensibles, pour ne pas dire malhonnêtes. Et bien sûr que, satisfaites de leur propre sagesse, elles deviennent charitables.
LA REFORME DU SYSTEME FINANCIER MONDIAL SERA NECESSAIRE ET TRES SEVERE
On ne leur en demande pas tant : qu'elles se contentent de protéger leurs employés et leurs clients en refusant la course au fric. Quand on aura compté les victimes et pansé les plaies, on sera bien contraint, sur les deux rives de l'Atlantique, de tirer la leçon du cataclysme ; et il est vrai que la campagne électorale, aux États-Unis, va nécessairement être chahutée par le maelström. Les électeurs demanderont à M. Obama et à M. McCain de dire s'ils accordent leur indulgence aux fauteurs de misère ou si, au contraire, ils vont enfin les mettre au pas. Dans ce contexte, le candidat républicain, allié naturel des oligarques qui réclament plus de liberté au fur et à mesure qu'ils en abusent, devrait rallier moins de soutiens que son rival démocrate ; encore que ce dernier, soucieux de rassembler le peuple, s'efforcera sans doute de ménager les acteurs de la finance.
C'est pourtant une formidable occasion, pour M. Obama, d'être lui-même à un instant précis où ses idées sont justifiées par les faits. Il vaut mieux qu'il envisage de perdre les voix des ploutocrates qui ne seront jamais aussi nombreuses que celles de leurs victimes, et qu'il trace la voie du retour à la régulation et au contrôle, qu'il mette hors la loi les dérivés hypothécaires, qu'il rehausse le plafond des réserves bancaires, et même qu'il crée (s'il devient président) une autorité fédérale de surveillance munie de tous les instruments nécessaires pour réprimer durement les criminels. Le scandale, en effet, est si grand et les financiers sont assez prostrés pour qu'une réforme soit engagée sans rencontrer trop d'obstacles. Demain, au terme d'une dépense de 5 à 6 mille milliards de dollars qui va accroître d'autant une dette publique américaine déjà énorme, ce sera business as usual, les banquiers referont des profits et personne ne voudra entendre parler d'une réforme. Il faut battre le fer quand il est chaud.
La crise n'aurait sans doute pas eu lieu s'il n'y avait entre M. Bush et le monde des affaires des liens extrêmement étroits. Bien qu'il s'efforce d'être différent de M. Bush, M. McCain a repris à son compte la plupart des décisions de l'actuelle administration. Il dit même, non sans témérité, qu'il poursuivra les baisses d'impôt en dépit d'un déficit budgétaire colossal. N'est-ce pas pour M. Obama l'instant idéal pour dire très précisément ce qu'il pense, et de démontrer qu'il ne s'agit plus d'une bataille entre la gauche et la droite, mais d'un conflit essentiel entre la bêtise et l'incompétence d'une part et l'irréfutable vérité des chiffres d'autre part ?
En France, Nicolas Sarkozy est le premier à dénoncer les errements scandaleux du système financier. Il n'est pas classé à gauche pour autant. Tout système livré à lui-même sans régulation ni contrôle finira par produire une catastrophe. Cela a été vrai du fascisme, du nazisme et du communisme. Cela est maintenant vrai du capitalisme. Nous ne pouvons ni nous satisfaire d'un régime opprimant ni accepter que le produit de notre travail fonde dans le creuset des folies financières. Non seulement la réforme est nécessaire, mais elle doit être permanente pour que la vigilance de l'État ne soit jamais prise en défaut.
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