EN MATIÈRE de communication, les hôpitaux français ont trente ans de retard sur le monde de l'entreprise. Mais la situation, lentement, évolue.
«L'époque de l'hôpital silence est révolue. L'hôpital est aujourd'hui condamné à communiquer», a déclaré Claude Evin, président de la FHF, à l'ouverture des rencontres de la communication hospitalière. Pour l'ancien ministre, «le pire reste toujours l'absence de communication».
L'exercice, relativement nouveau, ne va pas sans poser de problèmes aux professionnels de santé peu familiers des médias. Il est pourtant des circonstances où l'hermétisme est inconcevable : en période de crise sanitaire, les Français exigent une information immédiate. «Il faut nous ouvrir les portes (des hôpitaux, ndlr), sinon, de toute façon, on entrera», signale Isabelle Marque, reporter à TF1.
Faut-il tout dire aux médias ? Quels mots employer ? Les établissements de santé, à en juger par certains retours d'expérience, tâtonnent pas mal sur le sujet.
Récemment, le chikungunya a semé la panique sur l'île de la Réunion. «Tous les établissements publics et privés ont été harcelés par les médias», sans manifestement savoir quoi leur répondre, rapporte le Dr Dominique Peton-Klein, chef de la cellule gestion des risques à la Dhos (Direction de l'hospitalisation). A leur demande, le ministère de la Santé promet d'accompagner davantage les hôpitaux pour leur indiquer la marche à suivre. Les pouvoirs publics espèrent ainsi éviter la diffusion de messages discordants. «Il faut définir en amont une stratégie de communication», insiste le Dr Peton-Klein.
Sous pression.
La réflexion, à l'évidence, n'a pas encore tout à fait abouti. Pourtant, d'autres crises ont précédé celle du chikungunya. Il y a eu le sang contaminé – «L'élément déclencheur» qui a fait prendre conscience aux hôpitaux de la nécessité d'une plus grande transparence, selon Nicolas Péju, directeur de la communication à la FHF.
Plus récemment, on se rappelle AZF. C'était le 21 septembre 2001, mais Marie-Claude Sudre, déléguée à la communication du CHU toulousain, s'en souvient comme si c'était hier. «Impossible de ne pas penser au 11septembre. Toulouse se retrouve coupé du monde. Les lignes du centre15 sont complètement saturées, tandis qu'un nuage noir s'achemine vers l'hôpital», témoigne-t-elle. Aussitôt, les médias font le siège. «Attentat ou accident? Il a fallu gérer immédiatement cette question des journalistes. A la cellule de crise, on était incapable de répondre à tous ces appels, on n'avait pas d'information», raconte Marie-Claude Sudre. Malgré tout, les équipes font face.
La chargée de communication a son explication : «Le CHU de Toulouse a eu la chance d'être pionnier en médecine de catastrophe. On croit perdre son temps (à répéter des exercices, ndlr) , mais c'est en fait très important d'imaginer des scénarios» pour être réactif le moment venu.
Parfois, la pression médiatique est telle que les hôpitaux se trouvent contraints de rompre le silence hâtivement. A titre d'exemple, Eve Aulong, la directrice de la communication de l'AP-HP, cite le cas d'un cuisinier assassiné dans l'enceinte d'un hôpital parisien, en mai 2005. Le lendemain matin, la première dépêche tombe, ainsi titrée : « Meurtre à coups de sabre à l'hôpital Necker ».
Les télés, les radios reprennent en boucle le message. L'AP-HP organise un point presse dans la précipitation pour dédramatiser. «Il s'agissait d'un crime passionnel à caractère privé, un fait divers sans lien aucun avec l'hôpital, explique Eve Aulong. Dès le lendemain, le sujet a été bouclé.»
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