L'INTERET du travail publié dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine dépasse celui de l'utilisation de la calcitonine humaine en thérapeutique à la place de celle dérivée du saumon. Les résultats rapportés par Susan B. Fowler (Cambridge, Royaume-Uni) et coll. sont essentiellement destinés à montrer qu'il est maintenant possible d'éviter la précipitation, en cours de fabrication, de polypeptides ou de protéines à usage thérapeutique, tout en conservant leur efficacité.
Les chercheurs rappellent que ce phénomène de précipitation ou d'agrégation a dû faire abandonner de nombreuses recherches, à des stades précoces du développement, pour des molécules à fort potentiel thérapeutique. Ils rapportent que 96 % des médicaments-candidats sont rejetés pour cette raison, ou du moins pour une solubilité insuffisante. Cette agrégabilité non seulement compromet la disponibilité et l'activité du médicament, mais semble, de plus, entraîner des réactions immunitaires.
La calcitonine humaine répond bien à ces obstacles en y ajoutant une probable toxicité. Pour ces raisons, elle est substituée en thérapeutique humaine par celle extraite du saumon. Avec, malgré tout, quelques effets indésirables du type nausées, vomissements, anorexie, voire réactions de type immunitaire.
L'équipe a utilisé des techniques récentes, semi-empirique et quantitative, pour mettre au point 3 variants de la calcitonine humaine à la stabilité améliorée en solution. Il s'est agit d'incorporer juste quelques substitutions d'acides aminés. Puis, grâce à une procédure actuelle de « screening » (tri), reposant sur un algorithme, de découvrir rapidement les molécules répondant aux attentes.
Une activité hypocalcémiante supérieure.
C'est ainsi que ces 3 variants de la calcitonine humaine ont été sélectionnés. Leur tendance à la précipitation est fortement diminuée par rapport à l'hormone native. De plus testés in vitro, ils montrent une activité physiologique supérieure à la calcitonine circulante. De plus, alors que deux d'entre eux (6CHR et 6S) ont été jugés aussi efficaces que le polypeptide de saumon, le troisième (5P) a été noté de deux à trois fois plus puissant. In vivo, 5P et 6S ont même démontré une activité hypocalcémiante supérieure à l'hormone de départ. Les chercheurs estiment que ce dernier point valide leur hypothèse de départ.
En ce qui concerne les effets indésirables, S. B. Fowler et coll. jugent que la faible différence de séquences entre le produit naturel et celui issu du laboratoire devrait contribuer à en réduire le risque.
Dépassant donc le traitement de la maladie de Paget, de l'ostéoporose, de l'hypercalcémie d'origine maligne ou des douleurs osseuses, ce travail apporte deux notions : la méthode de « screening » permet de prédire le risque de précipitation de séquences polypeptidiques modifiées par de multiples substitutions d'acides aminés ; cette approche peut être utilisée avec succès dans la conception de nouveaux polypeptides à l'agrégabilité réduite. Selon les auteurs, leur recherche ouvre la porte à une amélioration de la production, de la formulation, de la posologie, de la durée de conservation des médicaments à base de polypeptides et peut-être même à la suppression de la chaîne du froid.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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