L'EMBRYON, le foetus et l'enfant sont au coeur des lois de bioéthique qui encadrent l'assistance médicale à la procréation (AMP). L'amplitude du champ des réflexions est dense et le débat complexe, qu'il s'agisse d'évoquer les recherches sur ou au bénéfice de l'embryon, l'accès aux origines, les délicates questions des conflits d'intérêts foeto-parentaux, les enjeux de la maternité de substitution ou les problématiques directement liées à la filiation d'un enfant conçu par AMP. Il s'agit de dépasser les frontières de la médecine et du droit pour permettre aux médecins et aux juristes de confronter leurs points de vue à la lumière de la philosophie, des sciences humaines et du débat social. L'Académie de médecine et l'Institut du droit de la famille ont néanmoins tenté le pari en organisant un cycle sur le sujet, et tenté de répondre à la question : comment concilier l'accès à la procréation pour tous au regard des lois de bioéthique et de la législation ?
Une conquête sociale.
L'AMP n'est plus seulement regardée comme un traitement thérapeutique pour pallier les problèmes de stérilité mais est considérée, aujourd'hui, comme un modèle transhumaniste qui revendique la liberté pour chaque couple d'avoir accès à la procréation. C'est «une conquête sociale au nom de la liberté et de la légalité», explique Pierre Murat, professeur de droit à l'université de Grenoble. Mais ce modèle qualifié «d'alternatif» doit se garder de tomber dans un circuit économique de «business procréatique», selon l'expression d'Alex Mauron, professeur de bioéthique à la faculté de médecine, université de Genève, et nécessite un encadrement juridique.
Le Pr Bernard Golse, pédopsychiatre, chef de service à l'hôpital Necker - Enfants Malades, rappelle qu'il existe trois types de filiation : biologique, légale et affective, mais que «le plus fondamental reste, pour l'enfant, ce qui s'est passé dans les premiers mois de son existence». Il faut noter toutefois que la quête des origines n'est pas établie comme dans les cas d'abandon ou d'adoption : l'histoire de l'enfant est celle du couple et de son désir d'enfant.
Dans ce contexte de libéralisation, comment concevoir la législation ? Brigitte Feuillet, professeure à la faculté de droit de Rennes, rappelle que «l'AMP est régie par le code de la santé publique et que la filiation de l'enfant issu de cette procréation a été aménagée dans le code civil: aucun lien de filiation ne pourra être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation. De même, aucune action en responsabilité ne pourra être exercée à l'encontre du donneur». La règle commune admise par le droit français est que les membres du couple ayant recours à l'AMP, qu'il soit ou non géniteur de l'enfant, seront considérés comme parents de l'enfant au plan personnel et patrimonial.
Préserver l'anonymat.
Carine Camby, directrice de l'Agence de la biomédecine, confirme cette conception de l'AMP au regard de la bioéthique : «Le principe de l'anonymat du donneur doit être préservé pour la paix de chacun, le principe de non-patrimonialité doit garantir l'anonymat du donneur à l'égard du couple receveur, de l'enfant procréé et des tiers et, enfin, le principe de non-commercialisation du corps humain doit être réglementé.» Mais cette législation n'est-elle pas trop étroite ? N'engendre- t-elle pas une souffrance pour les jeunes adultes nés de l'AMP en quête de leurs origines ? Pour le Pr Pierre Murat, «les idées d'hier ne sont pas celles de demain. Les juristes sont des faiseurs de système, hiérarchisent, systématisent, pour en tirer des règles pour le bien de chacun, prévoir les solutions aux litiges, rendre à chacun ce qui lui est dû. Mais ces principes ne doivent pas être figés: le droit se doit d'être créatif et d'évoluer selon les nouvelles règles sociales». Selon ce principe, l'avis du Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) n° 90 du 24 novembre 2005 sera revu en 2009.
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