1945 puis 1950
La fièvre méditerranéenne familiale (FMF), initialement décrite dans sa forme abdominale en 1945 sous le nom de « péritonite paroxystique bénigne », a été plus complètement décrite à Paris dans les années 1950. Il s’agit d’une maladie héréditaire monogénique, prototype des maladies auto-inflammatoires.
La dénomination actuellement admise pour cette maladie, fièvre méditerranéenne familiale (« Familial Mediterranean Fever »), lui a été donnée par H. Heller et coll., des auteurs israéliens, en 1958 (1). En effet, le diagnostic clinique a longtemps été fondé sur les critères définis par H. Heller, qui comportent des crises fébriles brèves à intervalles variables, et des douleurs intermittentes au niveau de l’abdomen, du thorax, des articulations ou de la peau, en l’absence d’autre affection capable de rendre compte des symptômes. Le diagnostic doit être évoqué en cas de notion familiale, de plus en plus rarement retrouvée du fait de la transmission récessive de la maladie et de la diminution de la taille des familles. Elle survient chez les sujets du pourtour méditerranéen, Juifs séfarades, Arméniens, Turcs, Maghrébins avant tout (2).
La fièvre est quasi constante
La maladie commence généralement pendant la petite enfance et s’atténue au cours du temps. La fièvre est quasi-constante. Récurrente, elle survient par crises courtes qui durent moins de 72 heures. Entre deux crises fébriles, l’état général du patient est excellent, ce qui peut faire orienter à tort vers une composante psychiatrique.
L’accès abdominal est observé dans la quasi-totalité des cas ; il est inaugural chez la moitié des patients. Cet accès abdominal réalise le tableau de la péritonite paroxystique bénigne de la description initiale de la maladie. Comme la péritonite, l’accès abdominal a un caractère soudain et survient chez un sujet en bonne santé. Ce tableau clinique peut conduire à une intervention chirurgicale, en particulier lors de la première crise ou lorsque la crise ne ressemble pas aux crises habituelles. La première laparotomie se solde généralement par une appendicectomie.
Les accès douloureux thoraciques sont dus à une atteinte pleurale, beaucoup plus rarement péricardique. La fréquence des accès thoraciques varie selon les ethnies.
Les manifestations articulaires, plus fréquentes chez l’enfant, peuvent être des arthralgies survenant le soir ou après un effort, ou des arthrites mono ou oligoarticulaires touchant les genoux, les chevilles, les épaules et les coudes.
Il est à noter que la présentation clinique peut évoluer au cours de la vie.
Les facteurs environnementaux comme le stress, la fatigue ou les infections, ont un rôle important dans le déclenchement des crises.
Biologie
Un syndrome inflammatoire aspécifique, un diagnostic génétique.
Sur le plan biologique, les examens mettent en évidence un syndrome inflammatoire non spécifique (accélération de la vitesse de sédimentation, augmentation des taux de protéine C réactive et de sérum amyloïde A). La découverte du gène responsable de la maladie rend maintenant possible un diagnostic direct spécifique par la recherche de mutations (3). L’indication de ce diagnostic génétique doit toujours être posée en accord avec le biologiste. Il est fondé sur la recherche de mutations dans le gène MEFV, dont la mise en évidence signe le diagnostic. Un test génétique qui ne rechercherait que les mutations les plus fréquentes ne permettrait pas d’exclure formellement le diagnostic. Le gène en cause est celui d’une protéine qui est exprimée principalement dans les granulocytes, les monocytes et les éosinophiles. Elle porte le nom de marenostrine en Europe, terme dérivé du nom de la Méditerranée en latin, et de pyrine aux États-Unis, terme dérivé du mot grec employé pour la fièvre.
Diagnostic différentiel
Un diagnostic différentiel avec les autres fièvres récurrentes héréditaires.
Les diagnostics différentiels de la fièvre méditerranéenne familiale sont (en dehors des épisodes infectieux, des cancers…) les autres fièvres récurrentes héréditaires comme la fièvre hibernienne familiale, ancien nom du syndrome TRAPS (TNF Receptor Associated Periodic Syndrome), le syndrome MKD (Mevalonate Kinase Deficiency), le syndrome CAPS (Cryopyrin Associated Periodic Syndrome), le syndrome de Marshall ou PFAPA, la plus fréquente des fièvres récurrentes, qui n’est pas héréditaire, et certaines maladies multifactorielles, comme la maladie de Behçet pédiatrique ou le syndrome de Still par exemple.
Des complications rénales
Chez les patients non traités, des complications peuvent survenir. Il s’agit avant tout de complications rénales, à type d’amylose AA, ou amylose inflammatoire. Avant que le traitement de la maladie ne soit connu, la survenue de cette amylose dans certaines familles transformait, la fièvre méditerranéenne familiale, une maladie handicapante, en une affection mortelle.
Colchicine à vie.
Dans une lettre adressée aux éditeurs du « New England Journal of Medicine » en 1972, S. E. Goldfinger (Massachusetts General Hospital, Boston) a rapporté que le traitement continu par la colchicine de 5 patients atteints de fièvre méditerranéenne familiale avait été associé à la disparition presque complète des accès (4). Des essais contrôlés réalisés à double insu ont secondairement confirmé cette observation.
Ce traitement est très efficace. En effet, la colchicine, à la dose de 1 à 2 mg/j et administrée à vie, permet d’inhiber ou d’espacer les crises chez 9 patients sur 10, mais aussi de prévenir ou de retarder l’apparition des complications rénales chez 2 patients sur 3. Quand la colchicine semble inefficace, il faut vérifier l’observance, éventuellement rajuster la dose ou faire appel aux anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant les crises. L’interféron alpha a par ailleurs été proposé dans les formes résistantes à la colchicine, mais son efficacité n’a pas été confirmée dans une étude en double aveugle. Des études récentes rapportent l’efficacité des anti-IL1 mais il s’agit là de cas isolés.
Références
(1) Heller H, et coll. Familial Mediterranean Fever. AMA Arch Intern Med 1958 ; 102 (1) : 50-71.
(2) Ben-Chetrit E, Touitou I. Familial mediterranean Fever in the world. Arthritis Rheum. 2009 ; 61 (10) : 1447-53.
(3) Touitou I. Diagnostic génétique de la maladie périodique (fièvre méditerranéenne familiale ou FMF). Rev Med Interne 1998 ; 7 : 486-91.
(4) Goldfinger SE. Colchicine for familial Mediterranean fever. N Engl J Med 1972 ; 287 (25) : 1302.
* Le centre de référence des maladies auto-inflammatoires (CeRéMAI, http://asso.orpha.net/CEREMAI/) organise des séances de formation médicale continue. La prochaine FMC aura lieu à Montpellier en septembre 2012.
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