«UNE DÉGRADATION historique»: le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Claude Evin, n’a pas fait dans la nuance à l’occasion de sa présentation des comptes des hôpitaux publics.
L’ancien ministre de la Santé qui exprime son inquiétude (voir ci-dessous), dans un entretien avec « le Quotidien », tire le signal d’alarme : les établissements publics sont au bord de la rupture et il leur manquera 1,5 milliard d’euros en 2006 «pour assurer l’ensemble de leurs missions».
Il y a quelques jours, ironise quelque peu Claude Evin, «le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, disait que la décélération des dépenses d’assurance-maladie était historique. Moi je dis que la dégradation de la situation financière des hôpitaux est aussi historique».
«Il manque un milliard d’euros pour le démarrage de l’exercice budgétaire et, si on ajoute les plans de santé publique (...), il manque 1,5 milliard d’euros aux établissements», a-t-il poursuivi, en réitérant son avertissement des semaines précédentes.
«Certes, insiste Claude Evin, le ministre de la Santé dit qu’il a donné deux milliards de plus, c’est vrai. Mais, pour maintenir les missions imposées et l’emploi, il nous faudrait avoir 1,5 milliard d’euros supplémentaires.»
A ses côtés, le président de la conférence des directeurs généraux des CHU (centres hospitalo-universitaires), Paul Castel (voir « le Quotidien » du 21 avril) a jugé, lui aussi, la situation «extrêmement préoccupante» : 18 CHU sur 31 s’apprêtent à présenter un compte de résultats en déficit, affirme-t-il.
«En nous mettant cette chape de plomb, on est en train de tuer les réformes engagées depuis trois ans, telles que la tarification à l’activité et la réforme de la gouvernance», a encore déploré Claude Evin.
«Or nous avons besoin de ces réformes», même si «nous contestons les modalités de leur mise en place. Nous souhaitons que la T2A, la gouvernance réussissent», a-t-il dit.
Alternatives.
Selon Francis Fellinger, président de la Conférence des présidents des commissions médicales d’établissements (CME) des centres hospitaliers des hôpitaux généraux, les hôpitaux n’ont «que trois ou quatre possibilités: geler les postes, geler l’investissement ou s’endetter pour l’avenir, ou encore augmenter leur activité, mais ce qui se traduirait par la suite par une baisse des prix», remboursés par l’assurance-maladie aux établissements pour leur activité.
La situation est d’autant plus délicate pour la majorité des établissements que les trois quarts des budgets et des dépenses concernent les personnels et qu’il semble difficile de leur demander de sacrifier plusieurs milliers d’emplois. «Un milliard d’euros», explique Claude Evin, dans son entretien avec « le Quotidien », «c’est vingt-trois mille emplois. Si on nous contraint à dégager un milliard d’euros, on sera obligé de supprimer des emplois, par le non-remplacement de départs en retraite notamment. Mais personne ne peut imaginer qu’on va supprimer23000emplois pour rester dans les clous». Impossible en effet à imaginer, pour des raisons médicales certes, mais aussi pour des motifs de politique générale.
Il y a quelques semaines déjà (« le Quotidien » du 16 mars) la FHF, les responsables des commissions médicales d’établissements et les directeurs des centres hospitaliers, des CHU et des centres hospitaliers spécialisés avaient tiré le signal d’alarme, en signant un appel commun à l’intention des pouvoirs publics et en évoquant les graves difficultés budgétaires qu’allaient rencontrer les établissements publics. «L’écart considérable entre les moyensoctroyés et les besoins prévisibles des hôpitaux pourra difficilement être comblé sans toucher à l’emploi», écrivaient alors ces responsables. Une manière de mettre la pression sur les pouvoirs publics à quelques mois d’élections nationales. Mais, pour le ministère de la Santé, la situation n’est pas aussi noire : en 2005, l’activité et les dépenses ont augmenté bien plus qu’il n’était prévu et l’Ondam (Objectif national d’assurance-maladie) hospitalier a été largement dépassé, dit-on. Ce qui a beaucoup aidé aux établissements. Pas question pour le ministre et ses collaborateurs que cette situation se renouvelle en 2006 : les 3,44 % de hausse, votés par le Parlement doivent donc être respectés, et l’enveloppe budgétaire allouée aux établissements publics ne doit pas être dépassée, a rappelé fermement à Nice, lors du congrès de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privée à but non lucratif (Fehap), le directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos), Jean Castex.
Une hausse qui, pourtant, pour les responsables de la FHF, sera loin de couvrir les besoins des établissements publics.
Parions que la campagne électorale, présidentielle et législative, qui s’ouvrira dans quelques mois, verra ces deux conceptions s’affronter.
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