Décembre 2002, Hô Chi Minh-Ville, hôpital des maladies tropicales. On reçoit un homme de 52 ans et ses deux fils adultes pour fièvre, céphalées et confusion. Dix jours plus tôt, ils ont été admis dans un hôpital du delta du Mékong avec les même symptômes et, bien qu'ils aient été traités par antibiotiques, leur état s'est aggravé. Antibiotiques qui n'avaient pas été donnés par hasard : la ponction lombaire avait montré chez les trois hommes un LCR avec prédominance lymphocytaire, pléiocytose, hyperprotéinorachie et hypoglycorachie ; la coloration de Gram était négative et il n'avait pas été pratiqué de culture. L'aîné se sait séropositif pour le VIH.
Le transfert à Hô Chi Minh-Ville se fait donc avec un diagnostic soit de méningite partiellement traitée, soit de méningite tuberculeuse.
A l'arrivée, les deux frères sont fébriles et confus ; ils ont tous deux une raideur de nuque. Le père est comateux (score de Glasgow à 8/15) et sa nuque est raide.
On interroge la famille et l'on apprend que les trois hommes ont, vingt jours plus tôt, à l'occasion d'un repas de fête, mangé des escargots crus. Une succulente coutume, paraît-il, dans le sud du Vietnam. Dès lors, on pense à une infection parasitaire ; on répète la ponction lombaire et l'on découvre : chez le père, 176 globules blancs (GB) par mm3 dont 55 % de lymphocytes et 33 % d'éosinophiles ; chez le plus jeune fils : 1 470 GB/mm3, dont 65 % de lymphocytes et 27 % d'éosinophiles ; chez l'autre fils, 1 310 GB/mm3, dont 64 % de lymphocytes et 19 % d'éosinophiles.
Dès lors, on retient le diagnostic de méningite à éosinophile parasitaire et l'on commence un traitement par albendazole et dexaméthasone. Au test ELISA, le sérum du père et du fils le plus âgé sont positif au 1/400 pour l'antigène d' Angiostrongylus cantonensis. Sept jours plus tard, le même test est fait aux trois hommes : il est positif entre 1/400 et 1/800. Les cultures à la recherche de bactéries et de champignons sont négatives.
Au bout de quatorze jours, le traitement est arrêté ; les deux fils, qui ont totalement récupéré, quittent l'hôpital ; le père reste comateux ; à l'IRM, il présente de nombreuses lésions cérébrales. Aux dernières nouvelles (mai 2003), il a récupéré partiellement, mais reste confiné au lit et dépendant pour les activités quotidiennes de base.
Angiostrongylus cantonensis est la principale cause de méningite à éosinophiles chez l'homme. Celui-ci s'infecte en ingérant des larves présentes dans des hôtes intermédiaires non cuits, comme des escargots ou des limaces, voire des hôtes de transport comme les crevettes, les grenouilles et le poisson ; ou encore des légumes contaminés par ces hôtes. Les larves pénètrent dans la muqueuse intestinale et migrent vers le cerveau où elles meurent, incapables de poursuivre leur cycle, ce qui provoque une méningo-encéphalite.
T. Chau et coll. « Lancet » du 31 mai 2003, p. 1866.
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