La découverte en 2012 de la ferroptose, une mort cellulaire dépendante du fer, a ouvert un nouveau champ de recherche en neuroscience. De nouveaux axes thérapeutiques émergent dans la maladie de Parkinson (MP), et vont être testés dans d’autres maladies neurodégénératives. Les explications du Pr David Devos, neuropharmacologue (université et CHU de Lille).
En 2012, une équipe de Columbia University (NY) travaille sur des cellules de cancer du sein ayant une mutation RAS. Par screening, ils isolent une molécule anticancéreuse capable de tuer spécifiquement les cellules RAS mutées qu’ils appellent éRAStine.
L’érastine induit une mitochondriopathie et bloque le canal antiporteur X-c Cys/Glu. Ce canal transmembranaire fait entrer la cystéine en intracellulaire contre la sortie de glutamate. Son blocage modifie les concentrations intracellulaires de glutamate (elles augmentent) et de cystéine (elles baissent). La baisse de la cystéine (un précurseur du glutathion, enzyme anti-oxydante majeure), abaisse les concentrations de glutathion et de glutathion peroxydase 4 et augmente la concentration du fer libre disponible (un catalyseur de la peroxydation lipidique).
En résulte une mort cellulaire dépendante du fer appelée FERroptose (1), caractérisée par une sensibilité au fer exacerbée, un stress oxydant lipidique majeur (peroxydation lipidique), et inhibée par les chélateurs de fer (deferiprone). Cette forme de mort cellulaire diffère des 2 grandes formes de morts programmées connues : l’apoptose et l’autophagie, mais aussi de la nécrose accidentelle (lyse par des toxiques etc.).
Ferroptose et MP
Il y a tout juste 200 ans, un ensemble de symptômes est décrit par Parkinson auxquels Charcot ajoute en 1850 la rigidité et donne le nom de maladie de Parkinson (MP). En 1924 un lien est fait entre MP et dégénérescence de la substance noire, dans laquelle sont découvert peu après, des corps de Lewy, puis une surcharge en fer.
« Si le lien entre la MP et la surcharge en fer reste inconnu, cette dernière est délétère. Les études in vitro puis in vivo sur des modèles de MP montrent qu’une augmentation de la concentration en fer dans la substance noire aggrave la MP et que les chélateurs de fer ont un effet protecteur », explique le Pr Devos.
En 2012, la découverte de la ferroptose attire l’attention de l’équipe du Pr Devos car tous les éléments de la ferroptose étaient présents dans la MP : excès de fer dans la substance nigrée, diminution du glutathion, peroxydation lipidique majeure, formation de radicaux libres, sensibilité aux chélateurs de fer ! « Nous avons montré (2) que la ferroptose pouvait être impliquée dans la MP. Et, chez des patients ayant une surcharge localisée de fer sans surcharge corporelle ferrique massive, nous avons trouvé le moyen de chélater le fer et de le redistribuer dans l’organisme. Deux études cliniques pilotes chez des patients atteints de MP, l’une à Lille (NCT00943748 - FAIRPARK-I, n = 40), l’autre à Londres (NCT01539837, n = 22) ont montré des résultats encourageants », indique le spécialiste. Parallèlement la ferroptose semble prévalente dans d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington.
Perspectives d’avenir
La recherche sur la neuroprotection a longtemps utilisé des modèles de cellules cancéreuses (issues de neuroblastomes) et s’est focalisée sur l’apoptose. « L’existence d’autres formes de mort neuronale dont la ferroptose pourrait expliquer les échecs des thérapeutiques anti-apoptotiques (années 1990) dans les maladies neurodégénératives. Elle renforce l’intérêt des chélateurs de fer dans la MP et pourrait aboutir au développement de nouvelles molécules, antiferroptotiques spécifiques (ferrostatine-1, liproxstatin-1) et d’autres molécules », estime le Pr Devos.
Les chélateurs de fer sont aujourd’hui étudiés dans la MP. Ils le seront prochainement dans la Maladie d’Alzheimer (3D study à Melbourne, Australie) et dans la SLA (FAIR-ALS-II en France). « Cette stratégie va être tentée et évaluée dans toutes les maladies neurodégénératives dans des combinaisons de traitements associant des molécules innovantes », conclut le spécialiste.
D’après un entretien avec le Pr David Devos, le Dr James Duce et le Dr Jean-Christophe Devedjian
(1) Dixon SJ. et al. Cell 2012 vol 149(5):1060-72
(2) Do Van B. et al. Neurobiol. Dis. 2016 vol.94 :169-78
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