LES INDICATEURS sur la vie sexuelle des Français restent stables depuis 1970 chez les hommes, alors qu'ils témoignent d'une évolution continue dans la population féminine. Les Françaises ont plus de partenaires, des rapports saphiques, des pratiques multiples (fellation, pénétration anale, cunnilingus) et desrapports au-delà de 50 ans, un peu comme au Royaume-Uni. Les pratiques féminines ne sont donc pas très éloignées de celles des hommes, indique la troisième enquête nationale sur la sexualité en France, réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avec l'Institut national d'études démographiques (Ined), à la demande de l'Anrs.
Des représentations sexuelles divergentes.
L'âge d'entrée dans la sexualité ne marque plus de différence entre filles et garçons : 17,6 ans et 17,2 ans contre 20,6 ans et 18,8 ans quarante ans auparavant. L'autonomie sociale et financière de la femme l'a aidée en quelque sorte à se libérer sexuellement, en faisant une croix sur les enjeux reproductifs du passé. En 2007, elle a en moyenne 4,4 partenaires (au cours de sa vie) et lui 11,6 contre3,3 et 11 en 1992 et 1,8 et 11,8 en 1970. Les femmes ne prennent en considération que les rencontres qui ont compté, mais les hommes attachent de l'importance à toutes leurs expériences. En d'autres termes, les représentations de la sexualité divergent. Ici, on fait appel à l'affectivité et à la conjugalité ; là, on se trouve sur le registre de la diversité et de la dimension physique. Sur un plan, la différence femme/homme s'accentue. Sexualité rime avec aimer pour 55 % des Françaises de 18-24 ans contre 28 % des Français du même âge. Pour conforter ces dissemblances, 75 % des premières et 62 % des seconds considèrent que le mâle, par nature, biologiquement, a davantage besoin de sexualité. Cela implique que faire l'amour est plus indispensable pour l'homme, surtout entre 25 et 49 ans.
Une prévention des IST insuffisantes.
Le clivage affection-conjugalité/besoin naturel-plaisir n'est pas sans effet sur les comportements de prévention. Si l'homme à partenaires multiples peut utiliser le préservatif sans être stigmatisé, la femme dans la même situation est dévalorisée : elle est perçue comme «illégitime», «facile». Elle doit se battre pour imposer une protection et n'est pas toujours suivie. Toutefois, le préservatif masculin est utilisé en général. Quatre vingt-dix pour cent des 18-24 ans y ont recours et, parmi les 18-30 ans, 77 % des sans-diplôme et 86 % des diplômés supérieurs. Contrairement à une idée fausse, ceux qui ont des relations sexuelles précoces (14-16 ans) ne négligent pas le préservatif.
Mais, avec les partenaires multiples, le principe de précaution est parfois négligé. Sur les douze mois écoulés, 34 % des femmes qui ont pris un nouveau partenaire n'ont pas utilisé de préservatif et 28 % des hommes dans le même cas, ces taux passant pour deux nouveaux partenaires à 32 et 26 %. La prévalence de l'infection à Chlamydia trachomatis, mesurée au moyen d'un test à domicile*, touche 3,6 % des Françaises et 2,4 % des Français de 18-24 ans, de même que 2,6 % des 25-29 ans. Trois fois plus que la prévalence estimée lors des entretiens téléphoniques auxquels ont procédé les enquêteurs de l'Inserm et de l'Ined. A noter que 44 % des femmes et 22 % des hommes positifs ne présentaient pas les facteurs habituels de risques (partenaires multiples...). Soit leur infection existait de manière latente depuis plus d'un an, soit ils ont été contaminés récemment par leur compagnon.
Au total, l'enquête Inserm-Ined/ Anrs, en soulignant l'écart qui subsiste entre la femme et l'homme face à la sexualité, ne fait que confirmer ce qui existe dans la société. Et rien ne bougera tant que les sphères « travail », « pouvoir » et « famille » continueront à être marquées par le sexisme, dit au « Quotidien » Nathalie Bajos, qui a dirigé l'étude pour l'Inserm.
* Le test a été proposé aux moins de 25 ans et aux 18-44 ans à multipartenaires et à risques.
Plus de 12 000 personnes interrogées
L'enquête « Contexte sur la sexualité en France » a été mise en oeuvre par l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. Nathalie Bajos, sociologue et démographe (Inserm, unité 822 Santé sexuelle et reproduction), et Michel Bozon, sociologue de l'Ined, chargés d'animer une équipe pluridisciplinaire composée d'épidémiologistes, de démographes et de sociologues, en ont assumé la responsabilité.
Réalisée entre octobre 2005 et mars 2006, elle a porté sur un échantillon représentatif de 12 364 personnes âgées de 18 à 69 ans, interrogées par téléphone (taux de réponse de 75 %). Un volet « Infection à Chlamydia trachomatis » a été pris en charge par les Drs Josiane Warszawski de l'Inserm et Véronique Goulet de l'Institut national de veille sanitaire. C'est la troisième étude de ce type ; la première remonte à 1970 (Simon, 2 000 personnes consultées) et la deuxième à 1992 (Spira/Bajos, 20 000 personnes).
Les résultats feront l'objet d'un ouvrage qui sera publié aux éditions La Découverte.
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