Inoffensive, toxique, aide efficace au sevrage tabagique… La e-cigarette se vend bien, puisque ce marché apparu en France en 2006, fait désormais plus que doubler chaque année ! Au point que les pneumologues s’interrogent. A partir de vendredi, la question sera en effet au coeur du débat lors du Congrès de Pneumologie de Langue Française. Elle fera aussi l’objet, d’ici le mois de juin, de recommandations présentées par un groupe d’experts réunis par l’Office français de prévention du tabagisme (OFT), à la demande de la Direction Générale de la Santé. Et tout cela car cette cigarette électronique n’a toujours pas fait l’objet d’études scientifiques robustes. « Aujourd’hui, il convient d’encadrer sans délai et de façon adaptée, au nom du principe de précaution, ces produits tant qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur innocuité », indique en conséquence le Pr Dautzenberg, président de l’OFT, dans un communiqué.
Mais tout d’abord, l’e-cigarette, qu’est ce que c’est ?
Ce produit comprend une pile, une cartouche et un atomiseur. Il produit un brouillard de fines particules appelées « vapeur ». Ces gouttelettes sont composées d’eau, de propylène glycol ou de glycérol selon les modèles, d’arômes (arôme tabac, pomme, fraise, etc) et le plus souvent de nicotine.
Pourrait elle être à l’avenir prescrite comme une aide au sevrage tabagique, tout comme le sont les gommes et patchs nicotiniques ?
En fait, non, car la cigarette électronique n’a pas le statut de médicament. Aujourd’hui en France, on trouve donc seulement des e-cigarettes avec des cartouches dosées à moins de 20 mg/ml de nicotine. Car au delà de cette dose, le produit est considéré comme un médicament, et doit donc faire une demande d’AMM. Toutefois, elle ne risque pas d’obtenir ce statut pour le moment, étant donné qu’aucune étude apportant la preuve de son efficacité ni des données solides sur sa tolérance n’ont été publiées.
Cependant, quelques travaux tendent à montrer que l’e cigarette serait une aide prometteuse pour l’arrêt du tabac. Notamment, une étude en ligne menée sur 222 personnes ayant acheté des cigarettes électroniques pour la première fois (American journal of préventive médecine). La plupart des répondeurs étaient des hommes, fumeurs depuis longtemps et qui avaient déjà essayé d’arrêter de fumer. Six mois après l’achat de la e-cigarette, 67% des répondeurs ont déclaré avoir diminué leur consommation, 31% ont arrêté de fumer et 49% ont dit avoir arrêté de fumer durant une période.
D’autres études, mais de très petite envergure, évoquent elles aussi une certaine utilité de la cigarette électronique dans l’aide au sevrage : sur une étude de 3 cas menée en Italie, la cigarette électronique est bien perçue par des fumeurs au lourd passif tabagique (Caponetto et al, 2011), notamment car elle reproduit la gestuelle de la cigarette. Au Canada, une étude mendé sur 11 fumeurs a montré que l’e-cigarette, bien qu’utilisée à faible dose, diminuait le besoin urgent de fumer.
L’étude néozélandaise ASCEND actuellement en cours de recrutement pourra sans doute nous en dire un peu plus : elle compare trois groupes de sujets. Après avoir planifié une date d’arrêt, le premier groupe recevra des e-cigarettes avec des cartouches de nicotine 16 mg/ml, le deuxième groupe des cartouches sans nicotine et le troisième groupe des patchs à la nicotine. Les auteurs compareront le taux de succès à 3 et 6 mois, la satisfaction des utilisateurs et les effets secondaires.
L’e-cigarette est elle dangereuse ?
Ce produit ne semble néanmoins pas totalement inoffensif. Une publication décrit en particulier une réaction bronchique après seulement quelques bouffées. Cette étude a été menée par des chercheurs grecs (Vardavas et al, 2011) sur 30 fumeurs en bonne santé qui ont fumé 1 e-cigarette. Après 5 mn, les sujets ont présenté des signes de resserrement des voies respiratoires (mesurés par différents types de tests) et d’inflammation. Mais aucune données ne fait actuellement penser que la toxicité de l’e cigarette puisse arriver à la cheville de celle de la cigarette classique! En revanche, on manque cruellement de données sur le long terme… Pour le Pr Dautzenberg, il n’est donc pas question de la conseiller à ses patients qui souhaitent arrêter de fumer : « il y a tout lieu de penser que la démarche de remplacer des cigarettes industrielles par des e-cigarettes constitue une réduction du risque et il n’y a pas lieu de l’entraver. Mais, du fait des incertitudes, nul professionnel ne peut recommander la démarche, car aucun rapport risque bénéfice correspondant aux exigences d’un produit de santé n’a jamais été conduit ». L’e-cigarette reste donc ni à prescrire, ni à proscrire!
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