La dyskératose congénitale est une maladie génétique conduisant généralement au décès entre 16 et 50 ans. Le déficit moléculaire touche les tissus à renouvellement cellulaire rapide comme la peau, les ongles, les cheveux, l'intestin, la moelle osseuse. Il provoque des fibroses (pulmonaire, cirrhose), des dystrophies, des lésions précancéreuses et une aplasie médullaire, le plus souvent responsable du décès.
Jusqu'à présent, on connaissait deux modes de transmission de la maladie : l'un lié à l'X, dont la mutation a été identifiée il y a quelques années ; l'autre lié à des chromosomes non sexuels et aux gènes non encore identifiés.
Le gène muté lié à l'X code pour une protéine appelée dyskérine, présente dans le nucléole (région du noyau). On a donc cru initialement que la maladie résultait d'une dysfonction du nucléole, mais la découverte ultérieure de l'implication de la mutation de la dyskérine dans l'ARN de la télomérase a fait revoir l'hypothèse. En effet, la télomérase est une enzyme constituée de protéines et d'ARN qui aide à maintenir intacte l'extrémité des chromosomes (télomères). Par conséquent, dans une deuxième hypothèse, la dyskératose congénitale a été mise sur le compte d'un défaut d'activité de la télomérase.
Mutation du gène codant pour l'ARN de la télomérase
Les résultats du Dr Vulliamy de la faculté de médecine de Londres apportent une réponse définitive à la question. Son équipe vient de découvrir un mode de transmission autosomal dominant de la maladie lié à une mutation du gène codant pour l'ARN de la télomérase. Dans une première famille atteinte, 821 bases manquaient à l'une des deux copies du gène codant pour l'ARN de la télomérase (tous les sujets étant hétérozygotes pour la délétion); ce qui ôtait 74 bases à la partie terminale codant pour la région. Pour deux autres cas issus de familles distinctes, les chercheurs ont trouvé une ou deux mutations des bases codant pour l'ARN de la télomérase (délétion hétérozygote).
Aucune de ces mutations n'était présente chez les cinquante sujets témoins, non porteurs de la maladie.
Ainsi, la dyskératose congénitale donne un moyen d'observer les conséquences d'un défaut de fonctionnement de la télomérase chez l'homme. Cet outil est d'autant plus intéressant que la diminution des télomères pourrait contribuer au vieillissement physiologique. Chaque fois qu'une cellule se divise, elle fait intervenir son ADN. Du fait du caractère directionnel de la réplication de l'ADN, les télomères qui recouvrent l'extrémité des chromosomes ne sont pas complètement répliqués. Ils sont par conséquent légèrement érodés à chaque division cellulaire. Ce phénomène appelé « sénescence réplicative » est matérialisé par le raccourcissement progressif des télomères. Sa participation exacte dans le processus de vieillissement est encore incertaine malgré les diverses expérimentations animales. Il existe heureusement des mécanismes capables de compenser cette usure dont la télomérase fait partie. Cette enzyme a en effet la capacité de reconstituer des séquences de bases à l'extrémité des chromosomes, mais toutes les cellules ne l'expriment pas. C'est le cas du fibroblaste qui a une faible capacité à se reproduire en culture.
L'implication du raccourcissement des télomères
Les chercheurs ont confirmé leur découverte en superposant les symptômes des personnes atteintes de dyskératose congénitale à ceux des souris transgéniques dépourvues de télomérase. Néanmoins, tant chez le sujet atteint d'une dyskératose congénitale que chez la souris transgénique, l'implication du raccourcissement des télomères dans le vieillissement n'est pas évidente. Certes, les deux modèles ont quelques signes de vieillissement prématuré comme le grisonnement précoce des cheveux (poils) et une augmentation de l'incidence des cancers. Mais c'est peu. Il est possible, expliquent les généticiens, que cette faible expression résulte de la régulation tissulaire de l'expression de la télomérase. Dans la dyskératose congénitale et le modèle animal, le vieillissement prématuré et l'augmentation de l'incidence des cancers (également liée à l'âge) portent sur les tissus qui expriment la télomérase et qui pourraient par conséquent avoir une instabilité distale des chromosomes.
Il sera maintenant intéressant de rechercher un dysfonctionnement de la télomérase dans d'autres maladies génétiques comme le syndrome de Werner qui provoque un vieillissement prématuré.
Tom Vulliamy et coll., « Nature », vol. 413, 27 septembre 2001+ éditorial de R. Marciniak (San Antonio, Texas).
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