« La dysfonction érectile ne peut plus être négligée par le corps médical car sa survenue n’est jamais anodine mais toujours un marqueur pertinent d’un état de "mauvaise santé" sexuelle, mais aussi - et parfois surtout - non sexuelle (physique et/ou psychique) ». Pour le Dr Pierre Bondil, urologue-andrologue-oncologue (Centre hospitalier de Chambéry), la chose est entendue, la dysfonction érectile n’a rien d’un symptôme médical mineur et ne doit plus être considérée comme tel.
Le constat vaut particulièrement chez le diabétique, chez qui la fréquence de la dysfonction érectile est très élevée, avec une prévalence près de trois fois plus importante qu’en population masculine générale. L’incidence augmente avec l’âge, l’ancienneté et la sévérité du diabète et varie, selon les publications et la population observée, entre 27 et 75 % dans les pays occidentaux et entre 20 et 90 % dans les pays asiatiques) .
« Dans ces populations masculines à haut risque vasculaire, dans la tranche d’âge des 35-60 ans, et en l’absence d’autre étiologie manifeste (neurologique, iatrogène, traumatique) une dysfonction érectile doit être considérée jusqu’à preuve du contraire comme un « angor de verge », explique le Dr Pierre Bondil, c’est-à-dire comme un symptôme vasculaire à l’effort ayant une double valeur d’alarme en tant que témoin d’une aggravation mais aussi prodrome potentiel d’accidents vasculaires aigus pouvant engager le pronostic vital ». « Hémodynamiquement, la tumescence équivaut à un véritable test d’effort vasculaire ultra-sélectif puisque, l’augmentation soudaine et importante des flux systoliques et diastoliques dans les artères érectiles s’apparente à un véritable « sprint court » sans équivalence dans l’organisme
Angor de verge
L’idée-force de l’angor de verge est de tirer profit d’une « fenêtre d’opportunité » évaluée entre 2 à 4 ans pour reconnaître précocement les sujets à risque cardiovasculaire significatif d’où le récent concept du « triple ED » (Erectile Dysfunction = Endothelial Dysfunction = Early Detection). Car la dysfonction érectile est aujourd’hui considérée comme un marqueur de risque cardiovasculaire à part entière, ou plus exactement comme un marqueur de la dysfonction endothéliale, pouvant précéder de plusieurs années la survenue d’autres manifestations. Globalement, chez un patient asymptomatique sur le plan cardiovasculaire, il faut en effet 2 à 3 ans entre l’installation de la dysfonction érectile et la survenue des premiers symptômes cardiovasculaires et 3 à 5 ans pour voir apparaître un authentique accident cardiovasculaire.
La dysfonction érectile peut aussi être le premier symptôme, ou parmi les premiers témoins d’une neuropathie chez le diabétique. Enfin, elle peut aussi ou révéler un diabète ignoré. Les recommandations internationales préconisent d’ailleurs de doser la glycémie systématiquement lors du bilan biologique initial d’une DE. Celle-ci révélerait un diabète dans environ 10 à 12,5 % des cas et des glycémies à jeun élevées sont découvertes pour la première fois chez 15 % des patients avec une dysfonction érectile.
À l’inverse, la DE devrait être recherchée de façon systématique chez tout patient diabétique estime le Dr Bondil, pour qui aujourd’hui, « un médecin qui ne réalise pas un dépistage proactif de la dysfonction érectile après 40 ans sur un terrain à risque, commet une faute éthique et déontologique ». « Non seulement l’absence de dépistage de la dysfonction érectile peut retarder la prise en compte du risque cardiovasculaire, mais elle représente aussi un risque pour l’équilibre du diabète, appuie le Dr Marie-Hélène Colson, sexologue à Marseille), puisque 43% des hommes qui arrêtent leurs antidiabétiques spontanément (y compris l’insuline) le font car ils ont des troubles de l’érection. » Reste qu’en pratique, seulement un médecin sur dix réalise réellement ce dépistage…
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