Six, douze ou trente mois?

La durée du traitement est (encore) débattue

Publié le 26/01/2015
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ISAR- SAFE (Intracoronary Stenting and Antithrombotic Regimen trial : SAFEty and efficacy of 6 months dual antiplatelet therapy after DES) est un essai prospectif multicentrique randomisé en double aveugle qui a comparé deux durées de double anti-agrégation plaquettaire, 6 et 12 mois, après pose de sent actif. Six mois après l’implantation de stent et une bithérapie ASA-clopidogrel, 4 005 patients (sur les 6 000 initialement prévus) ont été randomisés pour recevoir pendant 6 mois supplémentaires soit ASA + placebo, soit ASA+ clopidogrel.

Le critère principal d’évaluation combinait décès, infarctus du myocarde, thrombose de stent, accident vasculaire cérébral et événement hémorragique majeur 9 mois après la randomisation.

L’étude a montré la non-infériorité de la double anti-agrégation ASA-clopidogrel administrée pendant 6 mois comparativement à 12 mois.

ITALIC (Is there A LIfe for DES after discontinuation of Clopidogrel), étude prospective multicentrique randomisée a inclus 2000 patients non résistants à l’aspirine. Après la pose de stent actif, ils ont été randomisés pour recevoir une bithérapie antiplaquettaire de 6 mois (ASA+clopidogrel) suivie d’ASA seul, ou une bithérapie antiplaquettaire (ASA+clopidogrel) pendant une durée totale de 24 mois.

Le critère principal d’évaluation combinait décès, infarctus du myocarde, revascularisation de la lésion cible, accident vasculaire cérébral et saignement majeur 12 mois après la pose de stent. Le critère secondaire comprenait ces mêmes paramètres plus les saignements mineurs à 24 mois.

La double anti-agrégation de 6 mois s’est montrée non inférieure à celle de 24 mois.

La question de la durée du traitement antiplaquettaire n’est pas nouvelle, mais les arguments pour raccourcir la double anti-agrégation plaquettaire sont aujourd’hui nombreux et peut poser problème en raison notamment de l’avance en âge des patients. Par ailleurs des essais récents menés avec les stents de dernière génération, composés notamment de polymère résorbables, vont dans le sens d’un raccourcissement des durées.

Jusqu’alors nous ne disposions pas d’essais de bonne qualité comparant bithérapie courte et bithérapie longue. L’année 2014 a été à cet égard particulièrement riche, avec les résultats de plusieurs études ayant évalué des durées de traitements assez variables allant de 6 à 30 mois : ISAR-SAFE et ITALIC, mais aussi DAPT, ou encore TL-PAS, sans oublier au préalable PRODIGY, OPTIMIZE ou ARCTIC.

ISAR-SAFE et ITALIC sont deux essais assez comparables, qui plaident en faveur d’une bithérapie raccourcie. Ils portent toutefois sur un nombre relativement limité de patients avec un suivi un peu court (12 mois pour ISAR-SAFE)

L’étude DAPT (voir page XX) est de plus grande ampleur et porte plus largement sur les thiénopyridines (clopidogrel ou prasugrel). Ses résultats ne sont pas totalement contradictoires avec ceux des deux études précédentes. La réduction des thromboses de stents et des MACE à 30 mois versus 12 mois se fait au prix d’un surrisque hémorragique, ce qui se traduit par une tendance à la limite de la significativité à un excès de mortalité en cas de traitement prolongé.

L’essai TL-PAS, qui avait suivi 8 000 patients selon un design comparable et dont les résultats ont été communiqués l’été dernier, a de son côté conclu aux bénéfices du traitement prolongé de 30 mois versus 12 mois, avec une diminution très significative des MACE (5,8 % versus 9,4 %) et des thromboses de stent (0,8 % versus 2,0 %) et ce malgré une augmentation du risque hémorragique. La méta-analyse de Elmariah, publiée dans le Lancet en 2014, est elle aussi en faveur du traitement prolongé sur le critère ischémique (RR : 1,5 OR 1,3-1,85), au prix d’un surrisque hémorragique. Mais dans cette méta-analyse le poids de l’essai DAPT est important et TL-PAS n’a pas été pris en compte.

Le débat reste donc ouvert et nous attendons les résultats d’autres études, notamment d’OPTIDUAL.

*D’après un entretien avec le Pr Meyer Elbaz, CHU, Toulouse.
Dr Isabelle Hoppenot

Source : Congrès spécialiste