Alertés par « le caractère dysharmonieux de certains horaires chez de jeunes apprentis », des médecins* de l'Association médico-sociale de Bernay-Pont-Audemer (Eure) et région « ont souhaité apporter un éclairage particulier sur le sujet » en réalisant une étude (juin 1997-mars 1999) sur les conditions de travail de 186 filles (26,3 %) et garçons en formation professionnelle.
Tous mineurs, principalement âgés de 16-17 ans (2,2 % ont 15 ans), ils travaillent pour la majorité (63,3 %) depuis un an au plus (23,1 % ont de treize à dix-sept mois de présence et 15,6 % un an et demi et plus). 36,6 % sont dans les métiers de bouche, 15,6 % dans la restauration, 18,3 % dans l'automobile, 8,6 % dans la coiffure, 5,9 % dans la vente et 2,2 % dans l'industrie.
Plus de 39 heures par semaine
La durée de travail la plus répandue, de 27 à 39 heures, concerne 44 % des apprentis. Mais 36 % font de 40 à 47 heures et 20 % plus de 48 heures, tandis que dix d'entre eux sont tenus d'accomplir plus de 60 heures et deux autres 70 heures. Les plus taillables et corvéables appartiennent aux métiers de bouche, où 43 % n'ont pas de pause après quatre heures trente d'activité - et de restauration. En fait, on note un dépassement de l'horaire légal de 39 heures pour 56 % des postes. Outre ce temps passé à l'apprentissage sur le tas, et hormis les 4,3 % qui logent chez leur patron, près de deux sur trois regagnent leurs pénates en cyclomoteur.
Longues journées de travail, longue semaine aussi : si 89 apprentis ont deux journées consécutives de repos, 87 n'en ont qu'une seule. Parmi ces derniers, 24 ont tout de même deux demi-journées en plus et 39 une demi-journée.
Autres menaces pour la santé des apprentis : 15 % disent avoir affaire à des « machines dangereuses », 35,5 % sont exposés à des produits chimiques et 7 % portent des charges excessives. Le port de protection est souvent négligé, en particulier dans l'automobile et les métiers de bouche. Résultat, 13 % ont eu un accident du travail au cours des douze derniers mois. Les victimes, dans trois cas sur cinq, travaillent plus de 40 heures. A cela s'ajoutent des accidents de trajet, dont ont été victimes 7,5 % des apprentis.
Il va sans dire que, même si les plaintes ne sont pas exprimées, le corps subit les retentissements des difficultés. 16,1 % des apprentis connaissent des difficultés pour s'endormir, 9,7 % ont des réveils fréquents, 42,5 % partent au travail fatigués et 7 % se sentent K.-O. ; 8,6 % souffrent « fréquemment » de la colonne vertébrale et 34,4 % « parfois ».
Conséquences psychologiques
Quoi qu'il en soit, ces jeunes s'affirment presque tous « satisfaits » de la filière professionnelle choisie (98,4 %) et de la qualité de leur formation (96,8 %). « Evidemment, il n'y a rien de commun avec les enfants de Zola », reconnaît le Dr François Monfrin, qui a supervisé l'enquête. « Tout de même, on peut s'interroger sur les conséquences psychologiques pour ceux qui sont soumis à des conditions extrêmes, ajoute-t-il. D'autant plus qu'on sait et qu'ils savent bien que l'emploi est bien loin d'être au bout de toutes les filières. »
Dans les petites entreprises, la réduction du temps de travail doit intervenir en 2002. Concernera-t-elle les quelque 380 000 apprentis de 16 à 25 ans ?
*Drs F. Monfrin, médecin coordinateur de l' AMS de Pont-Audemer, D. Acher, L. Autran, J. Frigoult, G. Leclerc, A. Leconte, L. Rabarison, C. Roy et A. Sejourne. L'AMS, qui rassemble 3 200 entreprises, s'occupe de 22 000 salariés, soit le tiers du département de l'Eure.
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