LES MEDECINS VOTERONT sans doute à droite les deux prochains dimanches, à l'occasion des élections régionales (et cantonales parfois), mais ce ne sera pas un plébiscite. Loin s'en faut.
En effet, selon le sondage IFOP, réalisé auprès de 406 médecins (spécialistes et généralistes) inscrits sur le Réseau santé social (voir fiche technique), et que publie « le Quotidien », 49 % (seulement) des praticiens libéraux souhaitent la victoire de la droite lors de ce scrutin, alors que près d'un tiers, 32 %, espère clairement que leur région sera présidée par la gauche. Quatre pour cent penchent pour le Front national, alors que 15 % ne se prononcent pas.
En examinant de près les réponses apportées par les médecins, on s'aperçoit aussi que ce sont les praticiens les plus âgés, 55 ans et plus, et qui ont une ancienneté d'exercice le plus souvent supérieure à 25 ans, qui souhaitent d'abord la victoire de la droite alors que les moins enthousiastes sont les moins de 45 ans : seulement 44 % d'entre eux font ce choix. Une consolation sans doute pour la droite : ils ne rejoignent pas pour autant en masse les rangs de la gauche (seulement 35 % le font). Il est intéressant de noter que parmi les sympathisants de l'UDF, 10 % seraient satisfaits que leur région soit présidée par la gauche, alors que parmi les proches de l'UMP, personne ne fait ce choix. Il faut y voir les conséquences de la querelle qui oppose, au niveau national, ces deux formations de la majorité et qui a des répercussions au niveau régional et même parmi les médecins.
Une érosion du crédit de la droite.
Sans doute faut-il se méfier, surtout en politique, de certaines comparaisons et de certaines analogies. Mais il faut bien rapprocher ce sondage de celui réalisé à la veille des législatives 2002 : 67 % des médecins (sondage Ipsos-« le Quotidien » du 5 juin 2002) affirmaient alors qu'ils allaient voter au second tour pour un candidat de droite (33 % pour un candidat de gauche). On est loin aujourd'hui de ce pourcentage et même, s'il est délicat de mettre en parallèle ces deux types de scrutin, bien différents quant à leurs conséquences, on est bien obligé de noter une érosion du crédit des partis de droite, et sans doute d'abord de l'UMP, auprès des médecins libéraux.
Comment analyser ces différences et ce résultat ? Sans doute les conflits qui persistent aujourd'hui dans un nombre important de régions entre les médecins spécialistes et les caisses d'assurance-maladie ne sont-ils pas étrangers à cette baisse de crédits. Même si le gouvernement n'est pas vraiment concerné par ces différends, nombreux sont les médecins qui lui reprochent de ne pas intervenir, de ne pas leur apporter son soutien, alors qu'il l'a fait pour les généralistes (qui ne lui en sont d'ailleurs guère reconnaissants dans ce sondage), voire qui l'accusent de laisser en quelque sorte « pourrir » la situation.
Les projets de réforme de la Sécurité sociale sont également une source d'inquiétude pour de nombreux médecins. Enfin, il est clair que les événements de l'été dernier, avec la catastrophe sanitaire, ont compté dans le jugement des spécialistes, et plus encore des généralistes, qui ont encore en mémoire certaines accusations.
Une baisse spectaculaire.
La critique du monde médical s'adresse directement à Jean-François Mattei. Le ministre de la Santé, qui a bénéficié très longtemps, auprès des médecins libéraux, d'une cote exceptionnelle, voit aujourd'hui ses partisans déserter. Dans ce sondage, pour ce qui le concerne, les « mauvaises opinions » l'emportent désormais sur les « bonnes opinions ». En effet, 49 % des personnes qui ont répondu à cette enquête rejettent le ministre de la Santé, alors que 45 % lui gardent leur confiance.
Un renversement de tendance spectaculaire : en octobre 2002, il y a moins d'un an et demi, une enquête réalisée par le même institut montrait l'attachement des médecins au ministre de la Santé : 83 % avaient une bonne opinion de lui et seulement 5 % le critiquaient. La chute est brutale. D'autant qu'aujourd'hui 20 % des médecins libéraux ont une très mauvaise opinion de lui, alors que, en octobre 2002, 1 % des médecins étaient dans ce cas.
Si les praticiens qui s'avouent proches de la droite l'épargnent relativement (64 % ont une bonne opinion du ministre, mais 30 % en ont une mauvaise) et si les médecins proches de la gauche l'enfoncent sans surprise (12 % de bonnes opinions et 82 % de mauvaises), les médecins qui n'ont aucune préférence politique le condamnent sévèrement : 30 % de bonnes opinions et 62 % de mauvaises opinions. Hors clivage politique, le jugement est donc sévère pour le ministre de la Santé.
Les résultats de notre enquête ne sont donc pas fameux pour le gouvernement. Cela devra l'inquiéter. Car le sondage montre clairement que les médecins tiendront compte de la politique de santé du gouvernement et de son attitude envers les professionnels de santé et plus particulièrement les médecins, au moment de glisser leur bulletin dans l'urne.
Enfin, dernier résultat intéressant : les médecins sont partagés sur le fait de savoir s'il faut donner plus de pouvoir aux régions en matière de santé. Une majorité relative (45 %) penche en faveur de cette hypothèse, mais 38 % des médecins estiment qu'il ne faut rien changer.
Sans doute beaucoup d'entre eux ignorent-ils le peu de pouvoir réel des régions en ce domaine. On ne saurait le leur reprocher tant les informations sont rares, si ce ne sont celles apportées par « le Quotidien », à l'occasion de ce scrutin.
Fiche technique
Etude réalisée par l'Ifop (selon les principes scientifiques et déontologiques de l'enquête par sondage) pour « le Quotidien du Médecin » auprès d'un échantillon de 406 médecins, adhérents au programme de télétransmission des feuilles de soin de l'assurance-maladie, géré par Réseau santé social.
L'échantillon a été pondéré au regard des critères de sexe, d'âge et du type de professionnels (médecins généralistes, médecins spécialistes).
Les interviews ont eu lieu du 3 au 10 mars 2004, par questionnaire on line autoadministré.
Moins de un médecin sur deux souhaite la victoire de la droiteLes élections régionales se dérouleront les 21 et 28 mars prochains. Souhaitez-vous dans votre région la victoire de la gauche, la victoire de la droite ou la victoire du Front national ? |
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Ensemble des médecins (%) |
|
La victoire de la droite |
49
|
La victoire de la gauche |
32
|
La victoire du Front national |
4
|
Ne se prononcent pas |
15
|
Total |
100
|
La santé et la région : sentiment mitigéVous, personnellement, souhaiteriez-vous que les régions aient plus de pouvoirs et de compétences, moins de pouvoirs et de compétences ou ni plus ni moins de compétences, en matière de santé et protection sociale ? |
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Ensemble des médecins (%) |
Sympathisants de gauche
(%) |
Sympathisants de droite
(%) |
|
Plus de pouvoirs et de compétences |
49
|
26
|
54
|
Moins de pouvoirs et de compétences |
32
|
19
|
6
|
– Ni plus ni moins |
4
|
49
|
33
|
– Ne se prononcent pas |
15
|
6
|
7
|
Total |
100
|
100
|
100
|
La chute de Jean-François MatteiVous, personnellement, avez-vous une bonne ou une mauvaise opinion de Jean-François Mattei, ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées ? |
||
Ensemble des médecins (%) |
Rappel Ifop-RSS ensemble des médecins 23-31 octobre 2002 (%) |
|
Une très bonne opinion |
8
|
23
|
Une assez bonne opinion |
37
|
60
|
Total bonne opinion |
45
|
83
|
Une assez mauvaise opinion |
29
|
4
|
Une très mauvaise opinion |
10
|
1
|
Ne se prononcent pas |
6
|
12
|
Total mauvaise opinion |
49
|
5
|
TOTAL |
100
|
100
|
Le poids de la santé dans les intentions de voteDiriez-vous que les aspects suivants vont compter beaucoup, assez, peu ou pas du tout dans votre vote pour les |
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TOTAL | Beaucoup | Assez | TOTAL | Peu | Pas du tout | NSP | TOTAL | |
Beaucoup | Peu | |||||||
Assez | Pas du tout | |||||||
% | % | % | % | % | % | % | % | |
L’action du gouvernement enmatière de santé publique | 78 | 47 | 31 | 21 | 13 | 8 | 1 | 100 |
L’action du gouvernement envers les professionnels de santé | 74 | 48 | 26 | 25 | 15 | 10 | 1 | 100 |
L’action du gouvernement envers les médecins en particulier | 71 | 44 | 27 | 28 | 15 | 13 | 1 | 100 |
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