Par le Dr Olivier GALL*
De très nombreux moyens, y compris non pharmacologiques, sont utiles pour diminuer la douleur postopératoire des enfants. Il faut prendre en compte non seulement la douleur liée au site opératoire, mais également les douleurs annexes (sondes, drains, prélèvements postopératoires...). Les indications de sondage ou de drainage postopératoire doivent être limitées aux situations où leur utilité est réellement démontrée. Un cathéter obturé mis en place pendant la chirurgie permet de réaliser ultérieurement des prélèvements sanguins indolores. La crème Emla doit être utilisée systématiquement en cas d'effraction cutanée. Les injections sous-cutanées ou intramusculaires douloureuses doivent être évitées, à plus forte raison pour l'administration des antalgiques. La voie orale doit être privilégiée. Elle est très fréquemment utilisable, même en postopératoire immédiat. L'environnement dans lequel vont être pris en charge les enfants opérés est un facteur important. Disposer de lieux aménagés dans lesquels les enfants seront regroupés en fonction de leur âge et de personnel formé aux besoins spécifiques des enfants est une nécessité, de même que de faciliter la présence des parents.
Les études montrent que les moyens pharmacologiques mis en uvre pour soulager la douleur postopératoire sont encore trop fréquemment insuffisants et/ou mal adaptés. Les techniques d'anesthésie locorégionale doivent être privilégiées car elles possèdent une efficacité sans égale sur les douleurs à la mobilisation ( reprise des activités, rééducation postopératoire ) ( tableau I ).Les antalgiques administrés par voie systémique doivent être utilisés en association (analgésie multimodale).
Le choix d'une proposition thérapeutique est d'abord fondé sur l'intensité présumée de la douleur postopératoire (tableau II). On peut schématiquement distinguer :
- les interventions occasionnant habituellement des douleurs peu intenses et de courte durée, qui relèvent le plus souvent de l'association de techniques d'anesthésie locorégionale (ALR) en injection unique, de paracétamol et d'AINS ;
- les interventions occasionnant des douleurs intermédiaires, pour lesquelles l'idéal serait de proposer une ALR avec cathéter de réinjection mais qui peuvent également bénéficier d'une administration systémique de morphine (en PCA ou par voie orale), de paracétamol et d'AINS.
- les interventions connues pour générer des douleurs intenses et prolongées qui justifient une stratégie d'analgésie s'intégrant dans un programme plus global de réhabilitation postopératoire, comprenant un bloc périmédullaire ou tronculaire avec cathéter de réinjection ou en deuxième intention une administration systémique de morphine en association avec du paracétamol et un AINS.
Le deuxième facteur déterminant la stratégie thérapeutique est le niveau de surveillance dont va pouvoir bénéficier le patient. Ainsi, pour une intervention occasionnant des douleurs intermédiaires comme la chirurgie du pied-bot, certaines équipes vont privilégier l'administration systémique de morphine parce que leurs équipes ne sont pas familiarisées avec la surveillance des cathéters périnerveux, d'autres équipes vont se limiter à la prescription d'un agoniste-antagoniste comme la nalbuphine parce qu'elles n'ont pas accompli un effort de formation suffisant pour assurer la sécurité d'un enfant recevant de la morphine.
Enfin, quelle que soit la stratégie thérapeutique employée, il faut insister sur la nécessité d'évaluer la douleur postopératoire à intervalles réguliers. L'évaluation de la douleur chez l'enfant fait appel, comme chez l'adulte, à des outils d'autoévaluation (échelle visuelle analogique, échelle de visages, jetons) chez les enfants âgés de 5 ans ou plus, et à des échelles comportementales (échelle OPS ou EDIN) chez les enfants plus jeunes. Le succès thérapeutique dépend en grande partie de la capacité à adapter secondairement le traitement au-delà d'un seuil défini à l'avance (par exemple : EVA > 40/100, OPS > 3/10, EDIN > 5/15).
* Hôpital d'enfants Armand-Trousseau.
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