APRÈS AVOIR accepté que les enfants – y compris les nouveau-nés – souffrent, les médecins seraient-ils en passe de penser que les personnes en coma vigile peuvent, elles aussi, ressentir des sensations douloureuses ? Et s'ils acceptent cette donnée, seront-ils prêts à traiter ces patients lorsqu'ils doivent subir un geste invasif ou douloureux ?
Un travail publié dans le « Lancet Neurology » par une équipe belge (Dr Mélanie Boly et coll.) montre, en effet, que les stimulations douloureuses sont ressenties au niveau du système nerveux central de façon similaire chez les patients en coma vigile et chez les témoins.
En revanche, le cerveau des personnes en état végétatif, lorsqu'il est stimulé par la douleur, n'établit pas de connexions nerveuses entre les différentes aires cérébrales. Les patients en coma végétatif peuvent présenter certaines réponses aux stimulations douloureuses, mais elles sont extrêmement variables selon les individus et parfois même chez un même malade.
Établir le degré de conscience.
La réponse à la douleur fait partie des tests de stimulation habituellement effectués en service de soins intensifs afin d'établir le degré de conscience des patients. Pour les sujets en état de coma vigile, certaines équipes prennent en compte des réponses du système sympathique à la douleur telles que la pression artérielle, le pouls ou les phénomènes vasomoteurs cutanés.
Les chercheurs belges ont choisi de pratiquer une stimulation du nerf médian chez cinq patients en coma vigile, quinze en état végétatif et quinze témoins. Ils analysaient simultanément l'activité de leur cortex cérébral grâce à un PET-scan. L'examen a été pratiqué en moyenne 57 jours après l'admission dans un service de soins intensifs pour les patients en coma vigile et après 36 jours d'hospitalisation pour les autres. L'intensité du stimulus était de 8,6 mA pour les patients en coma vigile, de 7,4 mA pour les témoins (la stimulation a été suspendue lorsque les sujets se sont plaints d'une douleur importante) et de 14,2 mA pour ceux qui étaient en état végétatif.
Chez les sujets des deux premiers groupes, le PET-scan a montré une majoration du flux sanguin au niveau du thalamus, du cortex somatosensoriel primaire (S1) et des aires somatosensorielles secondaires (insula, région frontopariétale, cortex cingulaire antérieur). Les connexions entre ces différentes aires étaient elles aussi stimulées de façon similaire. Aucune de ces aires n'était moins activée chez les sujets en coma vigile que chez les témoins. À l'inverse, chez les sujets en état végétatif, l'activité cérébrale en réponse à la douleur était limitée au cortex somatosensoriel primaire et aucune connectivité – en particulier avec les aires associatives frontopariétales – n'était détectée.
Ne sont pas en état de l'exprimer.
Pour les auteurs, «ces données confirment que les personnes en coma vigile ressentent la douleur, même si elles ne sont pas en état de l'exprimer et que, dans ces conditions, prescrire une analgésie avant la réalisation de gestes diagnostiques ou thérapeutiques douloureux devrait être systématique».
Dans un éditorial, le Dr John Wythe (Pennsylvanie) souligne que les réanimateurs sont souvent réticents à mettre en place des traitements antalgiques chez des patients en coma vigile par crainte de modifier leur état de conscience durant les phases de récupération. La crainte des effets à long terme de ce type de traitement est souvent mise en avant. Néanmoins, en raison du faible nombre de patients inclus, les auteurs belges reconnaissent que ces seules données sont insuffisantes pour établir de nouvelles recommandations thérapeutiques, mais que les médecins doivent s'y référer lorsqu'une procédure médicale douloureuse est envisagée.
« The Lancet Neurology », édition avancée en ligne.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature