LES DEUX TIERS des sujets âgés vivant en institution ont des douleurs ; un tiers de ceux vivant chez eux. La perception de la douleur n'est pas modifiée par l'âge. En revanche, même si cette population dite âgée est très hétérogène, elle partage, vis-à-vis de la douleur, certaines caractéristiques tant dans son expression que dans ses étiologies : rareté des plaintes liée au déni ou au fatalisme ou, au contraire, plainte globale et permanente n'attirant plus l'attention de l'entourage, fréquence des douleurs rhumatologiques et neurologiques responsables de handicap et de perte d'autonomie, eux-mêmes facteurs aggravants de l'état général et sources de troubles anxio-dépressifs. En outre, chez les sujets âgés et très âgés, des douleurs somatiques non identifiées et non soulagées peuvent s'exprimer, principalement sous la forme de troubles du comportement ou de manifestations de régression prêtant à confusion.
Évaluation
Chez les sujets communiquant sans trouble cognitif, l'évaluation de la douleur obéit aux mêmes règles que chez le sujet plus jeune (interrogatoire, EVA, QDSA). La crainte d'un diagnostic de maladie grave, la peur d'une hospitalisation ou d'un « placement » en institution sont toutefois des facteurs de sous-expression, donc, de sous-estimation de la douleur qu'une recherche systématique par le médecin amené à prendre en charge un sujet âgé doit permettre de dépasser.
Chez les sujets qui ont des difficultés de communication ou des troubles cognitifs, certaines échelles d'hétéroévaluation sont spécifiquement adaptées (ECPA, DOLOPLUS 2). Elles permettent une évaluation comportementale de la douleur en analysant le retentissement somatique (positions, protection des zones douloureuses, mimique, sommeil), psychomoteur (toilette et habillage, mouvements) et psychosocial (communication et vie sociale, comportement). Les scores obtenus à ces échelles participent à l'adaptation du traitement antalgique au fil du temps, chaque patient étant son propre témoin.
Prise en charge.
Comme à tous les âges, le traitement de la douleur est avant tout celui de sa cause. Dans tous les cas, un examen clinique soigneux est donc indispensable dans les douleurs aiguës comme dans les douleurs chroniques, en sachant qu'il n'y a pas toujours de parallélisme entre le degré d'urgence et l'intensité douloureuse.
Parallèlement à cette recherche de la cause, et temporairement, voire indéfiniment, en cas d'impossibilité de proposer un traitement étiologique de la maladie douloureuse, un traitement antalgique est institué, fonction des caractéristiques de la douleur (neuropathique, nociceptive, complexe), de son intensité et de son rythme.
L'âge modifie la pharmacodynamie et la pharmacocinétique des médicaments. Poids, taux d'albumine, clairance de la créatinine, autres traitements médicamenteux doivent donc être pris en considération avant toute décision thérapeutique.
L'ensemble de la pharmacopée antalgique peut néanmoins être prescrit aux personnes âgées sous réserve d'une adaptation des posologies et d'une attention particulière aux interactions médicamenteuses ; en commençant par des antalgiques de demi-vie courte, à doses faibles et en augmentant progressivement la posologie. Après instauration du traitement, toute pathologie intercurrente doit conduire à réévaluer le traitement antalgique en tenant compte du risque de déshydratation en cas de fièvre, de diarrhée ou de vomissement, par exemple, d'altération de la fonction rénale.
En dehors des traitements antalgiques par voie générale, les gestes antalgiques locaux doivent être essayés chaque fois que cela est possible : infiltrations d'anesthésiques ou de dérivés cortisoniques, application locale d'anesthésiques, comme la crème EMLA ou les patchs Versatis, de froid ou de chaud, physiothérapie, neurostimulation transcutanée. De même que tous les petits moyens d'aide au maintien du confort et de l'autonomie.
La prise en charge antalgique doit donc être adaptée à la singularité du patient âgé douloureux et à l'évolution de son état. La douleur doit faire l'objet d'une recherche systématique lors des consultations pour d'autres motifs.
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