Le dernier plan Douleur 2006-2010 se focalisait prioritairement sur les populations les plus vulnérables dont les enfants. Un après son terme, la situation reste contrastée. « Malgré l’avancée concrétisée par les recommandations sur la prise en charge médicamenteuse de la douleur de l’enfant * émises par l’Afssaps, je suis assez déçue car cette prise en charge demeure essentiellement soignant-dépendant, déplore le Dr Elisabeth Fournier Charrière (UF Prise en charge de la douleur & soins palliatifs adulte-enfant, Hôpital Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris), qui a participé à ce texte et codirige le DIU** sur la Douleur de l’enfant en pratique quotidienne. En dépit d’une volonté de la plupart des acteurs de santé en pédiatrie, il existe une très grande inégalité territoriale des prises en charge. » De fait, l’abord de la douleur de l’enfant dépend encore aujourd’hui du degré d’empathie et des connaissances médicales des soignants. « Or les moyens de prévention existants sont peu connus et insuffisamment utilisés » dénonce le Dr Elisabeth Fournier Charrière. Par exemple, le savoir et la volonté des soignants ont progressé vis-à-vis de la douleur iatrogène et le MEOPA notamment est disponible dans la plupart des services pédiatriques mais il reste inégalement employé. Par ailleurs, aucune structure de prise en charge de la douleur chronique de l’enfant n’a été financée par le ministère de la santé durant les quatre ans du Plan Douleur, et certaines consultations ont fermé. L’avenir des structures Douleur, enfant comme adulte, est très préoccupant ».
La douleur aiguë reste le principal problème
Concernant les douleurs aiguës, à l’hôpital comme en ville, dépasser le niveau du paracétamol génère encore des peurs. Deux autres antalgiques bien connus -l’ibuprofène et la codéine- sont pourtant disponibles mais il « persiste une espèce de phobie et d’ignorance vis-à-vis de ces deux molécules, avec le souci prioritaire de traiter la cause de la douleur mais pas la douleur elle-même", analyse le Dr Fournier-Charrière. C’est typiquement le cas de la migraine, où le traitement de crise repose prioritairement sur l’ibuprofène. Or ce traitement, à la dose d’emblée de10 mg/kg, est encore très méconnu, ou sous-dosé. Alors que les morphiniques (codéine, Tramadol), parfois prescrits, n’ont aucun intérêt dans la migraine.
Autre situation clinique courante de douleur de l’enfant en ville : les traumatismes (entorse, fracture etc.) pour lesquels il est tout à fait démontré que l’ibuprofène ou les anti-inflammatoires en général « sont très supérieurs aux autres antalgiques" affirme le Dr Fournier Charrière. Leur utilisation en pratique fait pourtant encore défaut. Même chose pour les autres douleurs courantes en ville comme l’otite ou l’angine pour lesquelles l’ibuprofène provoque une peur diffuse d’induire des complications infectieuses. Or ce risque est loin d’être démontré dans la littérature ». Dans l’otite, l’intensité douloureuse légitime une association d’antalgiques : paracétamol-ibuprofène, et si nécessaire à partir de l’âge d’un an de la codéine orale, et des gouttes auriculaires d’anesthésique local. « Souvent oubliée, poursuit la pédiatre, la codéine, rend cependant de nombreux services, en complément du paracétamol et de l’ibuprofène" insiste le Dr Fournier Charrière. L’amygdalectomie est très douloureuse et il est légitime de prescrire l’association paracétamol-codéine en ambulatoire pendant au moins une semaine, en expliquant aux parents l’importance de donner très régulièrement l’association d’antalgiques. Il n’est pas acceptable aujourd’hui de souffrir en postopératoire ambulatoire courant ». Quan au Tramadol, bien qu’ autorisé dès 3 ans chez l’enfant, avec une efficacité probablement comparable à celle de la codeïne, il n’est pratiquement pas employé. Enfin, Il y a quelques situations où la morphine est utile en médecine courante de ville, en particulier en mode d’exercice rural, où le médecin traitant est consulté en première ligne : en cas de traumatologie sévère (fracture), de brûlure sévère ou de stomatite de primo-infection herpétique.
* Prise en charge médicamenteuse de la douleur aiguë et chronique chez l’enfant - RCP/ AFSSAPS/ Juin 2009
http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/082…
** DIU douleur enfant en pratique quotidienne http://www.pediadol.org/IMG/pdf/DIU_sans_date.pdf
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