LES TRAVAUX d'une équipe de chercheurs de l'université de Washington (Seattle) indiquent que la dopamine ne serait pas au centre des mécanismes qui conduisent à la dépendance aux opiacés. Chez la souris, le neurotransmetteur n'est pas nécessaire à l'activation des systèmes hédoniques induits par la morphine.
Les scientifiques américains ont néanmoins observé que le système dopaminergique joue un rôle clé dans l'obtention de l'effet analgésique et dans la stimulation locomotrice associés à l'administration de cette drogue.
Au cours des trente dernières années, diverses données expérimentales ont suggéré l'existence d'un rôle essentiel du système dopaminergique dans les phénomènes induits par la consommation des drogues addictives. Souhaitant vérifier cette hypothèse et préciser le rôle du neurotransmetteur dans les mécanismes de la dépendance aux opiacés, Hnasko et coll. ont créé une lignée de souris génétiquement modifiées qui ne produisent pas de dopamine.
Injection de L-dopa.
Ces animaux sont hypoactifs et hypophages. Il est nécessaire de leur administrer quotidiennement de la L-dopa (un précurseur de la dopamine) pour les empêcher de mourir de faim. Pour évaluer l'effet de la morphine sur ces souris, l'opiacé leur été administré entre dix-huit et vingt-quatre heures après leur dernière injection de L-dopa, lorsque le niveau de dopamine retrouvé dans leur cerveau était inférieur à 1 % du niveau mesuré chez les animaux témoins.
Les chercheurs ont étudié l'effet d'une déficience en dopamine sur trois effets de la morphine : l'induction d'une réponse motrice, l'analgésie et l'induction des circuits de la récompense qui conduit à la recherche de la drogue.
En ce qui concerne la réponse locomotrice, il est apparu que si l'activité des souris mutantes est significativement augmentée par la morphine, leur niveau d'activité reste environ égal à 5 % de celui mesuré chez les souris témoins. Cette observation suggère que la morphine peut stimuler la locomotion par une voie indépendante de la dopamine, mais que la majorité de la réponse motrice habituellement observée est dépendante du système dopaminergique.
L'utilisation d'un test de sensibilité à la douleur (le « tail-flick ») a montré que l'injection de morphine conduit à une augmentation du seuil de la douleur chez les souris mutantes. Cependant, cet effet est très faible par rapport à celui qui est observé chez les souris témoins. Ainsi, l'effet analgésique de la morphine semble, lui aussi, dépendre essentiellement, mais non exclusivement, de la voie de signalisation de la dopamine.
Le test de préférence de place.
Les chercheurs se sont finalement intéressés à l'effet de la déficience en dopamine sur l'induction des circuits de la récompense en réponse à une injection de morphine. Dans ce dessein, ils ont utilisé le test de préférence de place. Ce test consiste à conditionner les animaux, de sorte qu'ils associent la consommation d'une substance à sa présence dans un lieu particulier. Si les animaux préfèrent retourner dans ce lieu, cela signifie que la substance active le système cérébral de la récompense. Malgré leur déficience en dopamine, les animaux mutants passent plus de temps dans le compartiment où ils ont reçu la morphine que dans celui où ils ont reçu du sérum physiologique. De ce point de vue, leur comportement n'est pas significativement différent de celui des souris témoins.
Ce résultat démontre, donc, que le système dopaminergique n'est pas essentiel à l'activation du système hédonique des souris en réponse à l'administration de morphine. Il remet en cause l'idée selon laquelle la dopamine joue un rôle majeur dans la mise en place de la dépendance aux opiacés.
Hnasko et coll., « Nature » du 8 décembre 2005, pp. 854-857.
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