A QUARANTE ANS et après neuf livres publiés, Toby Litt est considéré, officiellement, comme l'un des vingt meilleurs romanciers du Royaume-Uni. Une carrière qu'il a débutée il y a une douzaine d'années, après avoir été poète, guitariste dans un groupe de rock, peintre et tenté par l'architecture. Quatre de ses livres ont déjà été traduits en français – Doux carnage, Qui a peur de Victoria About?, Gang et Fantômes– mais ils sont de facture tellement différente, fond et forme confondus, qu'il déconcerte parfois ses adeptes.
« Un hôpital d'enfer » risque d'en déstabiliser plus d'un, qui accumule fantasmes et fantasmagories plus ou moins sanglantes. L'établissement de soins se transforme en théâtre de meurtres et de résurrections, d'orgies sexuelles et d'opérations chirurgicales pas très orthodoxes, de rites vaudous et de messes noires... entre autres !
Tout commence pourtant « normalement », par la dépose en hélicoptère, à 19 h 59 exactement, d'un patient ramassé inconscient dans un parc ; on suggère qu'il s'agit d'un « jeune garçon » qui essaye d'ouvrir les yeux et se demande où est sa mère, alors que, premier décalage, un infirmier le décrit comme un homme de trente-cinq ans. Dans la foulée, se présentent une femme sur le point d'accoucher avec son mari et une jeune fille droguée. En même temps, on fait connaissance avec le personnel soignant, médecins et infirmières, dont Gemma, une nouvelle recrue qui joue un peu le rôle de Candide dans le scénario déjanté qui se met en place, morcelé en une infinité d'intrigues et servi par les multiples personnages qui figurent au « générique » – le mot est de Toby Litt – de cette histoire.
Un film d'horreur où les corps sont violentés, où les scènes gores se succèdent sans que l'auteur en donne un mode d'emploi précis. «Mon livre est presque médiéval, a-t-il confié, c'est un rêve dans un jardin, à la manière de la Divine comédie. Si on est croyant, on va lire ce roman d'une certaine façon, si on est amateur de films d'horreur, on le lira d'une autre, et encore d'une troisième si on est fan d'Urgences. »
A chacun donc de lire entre les lignes. Ce qui n'implique en aucune manière d'être malmené par un style également halluciné ! Toby Litt reste fidèle à ses engagements de l'an 2000, lorsqu'il avait signé avec d'autres jeunes écrivains le manifeste des « Nouveaux Puritains », qui rejetait la sophistication de l'écriture et plaidait pour une expression proche du réel. Preuve est faite que la réflexion, même métaphysique, que l'imagination, même la plus débridée, peuvent se dire avec les mots et les phrases du quotidien...
Éditions Phébus, 495 p., 24 euros.
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