Après quelques essais cliniques et métaanalyses semblant remettre en cause le bénéfice des bêtabloquants comme traitement de l'hypertension artérielle (HTA), en 2006, les Britanniques, dans leurs recommandations, ont proposé que cette classe thérapeutique ne soit plus un traitement de première intention, ni même de seconde intention de l'HTA. Dès lors, en France, ce sujet a fait l'objet de controverses, et les Journées européennes de la Société française de cardiologie n'ont pas résisté à la tentation de poursuivre le débat.
LA LISTE des critiques faites aux bêtabloquants s'est progressivement allongée depuis une quinzaine d'années. Plusieurs essais ont en effet initialement montré que cette classe thérapeutique semblait moins efficace et moins bien tolérée que celle des diurétiques ou des antagonistes calciques chez les patients âgés. Les résultats des divers essais conduits plus récemment, comme les études LIFE et ASCOT, ont montré, dans le premier cas, avec un ARA II, dans le second, avec un antagoniste calcique, l'infériorité de l'aténolol sur ces deux classes pour prévenir plusieurs complications de l'hypertension artérielle (HTA).
L'accusation.
Ces divers travaux repris dans de nombreuses métaanalyses, publiées au rythme d'une ou deux par an, ont conduit à penser que les bêtabloquants sont inférieurs aux autres classes d'antihypertenseurs. Ainsi, en 2004 et 2005, une équipe britannique menée par L. H. Lindholm a publié deux métaanalyses qui ont indiqué que les bêtabloquants, et en particulier l'aténolol, étaient juste équivalents au placebo en termes de réduction du risque de plusieurs événements cardio-vasculaires (risque relatif comparativement au placebo de 1,01, pour la mortalité globale, de 0,99, pour la mortalité cardio-vasculaire, de 0,99, pour le risque d'infarctus du myocarde, et de 0,85, sans toutefois être significatif, pour le risque d'AVC) et inférieurs aux autres classes thérapeutiques pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
A la fin 2006, puis au début 2007, deux nouvelles métaanalyses portant sur 13 essais ayant inclus 91 561 patients ont montré que, par rapport aux patients sous placebo, les patients sous bêtabloquants avaient interrompu plus fréquemment leur traitement pour effets indésirables, notamment quand ce traitement était du propranolol ou du métoprolol. Par ailleurs, d'après ces travaux, comparativement aux antagonistes calciques, les bêtabloquants seraient moins efficaces pour diminuer le risque de mortalité globale, d'AVC et d'événements cardio-vasculaires, et par rapport aux IEC et aux ARA II, les bêtabloquants seraient inférieurs pour réduire le risque d'AVC et associés à un plus grand taux d'arrêt de traitement.
Ainsi, il est reproché aux bêtabloquants jusqu'ici évalués de conférer une protection cardio-vasculaire moindre que celle procurée par les autres classes thérapeutiques. En outre, il leur est aussi reproché d'augmenter le risque de diabète de type 2 chez les hypertendus. Pour les Britanniques, ces éléments ont donc motivé leur « déclassement ».
La défense.
La principale limite aux critiques adressées aux bêtabloquants est que les études qui ont montré leur infériorité, et notamment les métaanalyses publiées, ne prennent pas, ou mal, en compte les différences de pression artérielle entre les groupes comparés. Ainsi, pour les défenseurs des bêtabloquants, à diminution tensionnelle équivalente, les bêtabloquants procurent une protection cardio-vasculaire équivalente à celle fournie par les autres classes thérapeutiques. Par ailleurs, la plupart des métaanalyses étaient critiquables car l'hétérogénéité, tant des études que des types de patients inclus, y était très importante.
Enfin, les bêtabloquants forment une classe très hétérogène, et si certains résultats obtenus avec l'aténolol font douter de l'efficacité possible de cette molécule, il n'est pas possible de les extrapoler à l'ensemble de la classe, notamment aux molécules qui ont un effet vasodilatateur, comme le nébivolol ou le carvédilol.
Les recommandations françaises de 2005 pour la prise en charge de l'hypertension artérielle proposent que les bêtabloquants fassent partie des cinq classes thérapeutiques de l'HTA, et les données progressivement fournies n'ont pas conduit à une modification de ces recommandations. Cependant, pour certains observateurs et praticiens, le doute sur l'efficacité de cette classe thérapeutique est maintenant suffisamment important pour que, en dehors de leurs indications spécifiques (comme la maladie coronaire et l'insuffisance cardiaque), il soit préférable de choisir, plutôt qu'un bêtabloquant, un IEC ou un ARA II chez le patient jeune et un antagoniste calcique ou un diurétique chez le patient âgé.
D'après une controverse présidée par A. Mimran (Montpellier) et X. Girerd (Paris), P. Poncelet (Hénin-Beaumont) défendant le pour, F. Diévart (Dunkerque) défendant le contre.
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