IMAGINEZ un jeune homme sympathique et plutôt heureux de vivre qui s'endort n'importe où, n'importe quand, aux crises de sommeil aussi brutales qu'inattendues. C'est le cas de Gustave Klopp (Gus pour ses amis), narcoleptique qui accumule les problèmes sur le plan social, conjugal et professionnel. Si elles constituent un grave handicap, ces crises s'accompagnent de rêves extraordinaires dans lesquels il vit des aventures inoubliables. A peine endormi, il devient un superhéros invincible et vengeur.
Gus est marié à une femme qui est exaspérée par ces crises de narcolepsie qui l'empêchent de garder un travail, ses employeurs n'appréciant guère ses brusques accès de sommeil. Elle l'encourage à faire une thérapie de groupe. Le psychiatre qui le traite découvre alors que Gus a transformé ses rêves en incroyables bandes dessinées. Il décide de s'approprier l'œuvre de ce génie méconnu, et, pour y parvenir, il doit se débarrasser de Gustave Klopp.
Bien que traité sous forme de comédie, « Narco », le film de Tristan Aurouet et Gilles Lellouche, illustre bien les difficultés que rencontre un narcoleptique. Certes, les accès de sommeil brutaux le mettent dans des situations cocasses, mais on sent l'incompréhension à laquelle il est en butte, même si son entourage fait plutôt preuve (au moins au début) de tolérance et d'un certain fatalisme. Le film est servi par de très bons acteurs, dont Guillaume Canet, qui incarne Gus, Benoît Pelvoorde, qui campe un extraordinaire karateka complètement décalé, et Zabou Breitman, dans le rôle de l'épouse futile et écervelée que l'anxiété devant les difficultés du ménage rend méchante.
Victime de sa maladie.
Au fil de l'action, Gus devient une victime de sa maladie, il perd ses emplois successifs, sa femme le trompe avec son meilleur ami, des voyous veulent le supprimer pour s'approprier son œuvre... Pourtant, tout n'est pas noir puisque sa créativité extraordinaire se nourrit de sa pathologie. Le film insiste beaucoup sur l'aspect onirique de la narcolepsie. Gus fait des rêves violents à la limite du cauchemar et a des hallucinations qui alimentent ses dessins. Ces rêves donnent d'ailleurs prétexte à de nombreux effets spéciaux.
On a peur, on est ému, on rit. Le film est assez réussi. Malgré la gravité du sujet, il informe avec légèreté, mais précision, sur la maladie. On peut regretter seulement qu'il n'y ait aucune référence à un traitement, hormis la thérapie de groupe.
Pour apporter de la crédibilité à son personnage, Guillaume Canet a suivi les conseils d'un patient narcoleptique, Gérard Favier, vice-président de l'Association narcolepsie-cataplexie (ANC) et conseiller technique du film. Cette collaboration lui a permis de construire un personnage de narcoleptique sans tourner la maladie en dérision, en montrant combien elle est invalidante pour ceux qui en souffrent et aussi pour leur entourage.
« Narco » a été projeté en avant-première aux spécialistes lors du congrès de la Société française de recherche sur le sommeil (Sfrs) et a donné lieu à un débat avec des associations de patients narcoleptiques.
Pour ces malades, le personnage de Gus est crédible, même s'il est choquant pour certains d'y voir un personnage de comédie. Dans l'ensemble, l'accueil a été favorable et les associations de patients souhaiteraient que le film soit l'occasion de faire connaître la maladie au public et à tous les professionnels concernés, notamment ceux de l'Education nationale ; car cette affection est mal connue et souvent diagnostiquée après plusieurs année d'évolution au cours desquelles les patients auraient pu bénéficier d'un traitement.
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