D IX-HUIT romans, trente-deux scénarios, dix-neuf films : José Giovanni, 78 ans, n'a plus rien à prouver. Mais il devait à son père « une dette impayable », dont il s'acquitte magnifiquement par un film, après un livre, « Il avait dans le cur des jardins introuvables » (1995, prix Paul Léautaud).
José Giovanni, c'est l'auteur de « Classe tous risques », du « Deuxième souffle », le réalisateur de « Dernier domicile connu », de « la Scoumoune » ou de « Deux hommes dans la ville ». Son premier livre s'appelait « le Trou » ; publié grâce à Roger Nimier, il a été porté à l'écran - et de quelle façon ! - par Jacques Becker en 1960 et contait l'histoire d'une évasion manquée de la prison de la Santé en 1947. Une histoire vraie, celle de Giovanni, qui a passé onze ans en prison et avait été condamné à mort, pour une tuerie dans laquelle lui-même n'avait pas d'arme.
Au contraire de la plupart de ses uvres précédentes, ce n'est pas la prison ou les gangsters qui intéressent Giovanni mais un homme, son père, qu'il méprisait alors que c'est lui qui lui a sauvé la vie. Ce père n'est pas un grand homme : joueur irresponsable et incurable, « qui espère le carré d'as à chaque donne », il trimbale sa famille d'un pays à l'autre, délaisse sa femme (qui, elle, cherche un système à la roulette et n'est pas non plus une sainte), pousse des coups de gueule inutiles. Mais quand son fils se retrouve à la Santé, le voici tous les matins au café « Ici mieux qu'en face », à parler avec les surveillants, à attendre l'avocat, à guetter les signes avant-coureurs d'une exécution. Et c'est lui qui, avec son acharnement, sa patience, sa volonté cette fois inaltérable, va sauver son fils de la mort. Et, ce qui est encore plus romanesque, il cachera son rôle décisif à sa famille, à son fils même, qui continuera à le mépriser mais qui le ressuscite aujourd'hui « dans son grand manteau d'amour et de faiblesse ».
Giovanni est un bon directeur d'acteurs : Vincent Lecur, qui l'incarne, Nicolas Abraham, l'avocat, Eric Defosse, un autre prisonnier, Rufus, un surveillant humaniste, Michelle Goddet, superbe dans le rôle de la mère, sont également convaincants. Mais c'est bien sûr Bruno Cremer qui porte le film sur ses larges épaules, récipiendaire de tout l'amour que le réalisateur n'a pas su exprimer à son père. Il trouve toute sa place, personnage solitaire et pesant, totalement expressif dans ses silences, dans une mise en scène classique et discrète.
Un homme se penche sur son passé sans plaider pour lui-même. Les belles chansons du groupe corse Surghjenti encadrent un film sans autre musique que celle de l'émotion et du pardon.
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