Nouvelles thérapeutiques de la maladie allergique Ig E médiée
L'intérêt de l'immunothérapie peptidique réside dans le fait que l'utilisation d'une fraction de la protéine native allergénique évite les réactions anaphylactiques. On peut ainsi espérer être plus efficace en utilisant de fortes doses de fractions peptidiques issues de l'allergène, sans pour autant déclencher des réactions secondaires graves.
Ainsi, A. Barry Kay, dans une revue récente (1), a fait le point sur l'utilisation de séquences peptides synthétiques de l'allergène majeur du chat Fel d 1. Ces peptides stimulent les cellules T sans passer par les réponses qui conduisent à l'Ig E, ce qui permet d'induire une régulation de ces lymphocytes T sans induire les Ig E ni la dégranulation des mastocytes et des basophiles. Les études actuelles restent cependant encore très théoriques. Des essais de grande envergure pour comparer cette méthode à la désensibilisation classique, qui, il faut le remarquer, pose vraiment beaucoup moins de problèmes depuis l'avènement des formes « retard » et de la standardisation des allergènes, apparaissent donc nécessaires.
Des allergènes modifiés.
Toujours dans le but de proposer une immunothérapie spécifique plus efficace et plus sûre, des chercheurs se sont évertués à modifier l'allergène original. Ainsi, P. Creticos (2), dans un travail sur l'ambroisie, a rappelé les résultats des études in vitro et in vivo concernant les séquences immunostimulantes (ISS) d'ADN susceptibles d'inhiber les cytokines du profil Th2 (proallergique) de façon plus nette que la désensibilisation classique. Ces travaux ont été conduits sur la souris, le lapin et le singe. L'étape suivante, l'homme, a eu pour objet la désensibilisation à l'ambroisie. Le principe a été de conjuguer l'allergène majeur purifié de l'ambroisie, Amb a I, à une ISS pour former un ensemble ISS+Amb a I. Il s'agissait d'un essai contrôlé contre placebo concernant 25 patients souffrant d'une rhinite allergique à l'ambroisie. Le traitement a été de 6 semaines, à raison d'une injection par semaine et le suivi a duré 2 ans. Les patients sous ISS+Amb a I ont eu une diminution des symptômes de rhinite et ont eu recours à moins de médicaments durant la première saison pollinique. La réduction des scores allergiques et des prises médicamenteuses restait significative lors de la saison pollinique suivante. De plus, phénomène intéressant, dans ces conditions, l'exposition aux allergènes polliniques saisonniers apparaissait capable d'induire une augmentation de l'IL-10.
Les protéines allergéniques chimériques.
Une nouvelle approche thérapeutique des maladies allergiques a été défendue par Andrew Saxon (3). Il s'agit d'obtenir une régulation négative des mastocytes, des basophiles et des cellules B dont la transduction du signal est médiée par les récepteurs FceRI/RII par copontage FcgRII. En effet, ces cellules peuvent fixer les Ig E par le Fc au niveau de la membrane cellulaire par l'intermédiaire des récepteurs FceRI/RII. De façon un peu simplifiée, on peut dire qu'une fois les Ig E ainsi fixées, il suffit qu'elles soient pontées deux à deux par leur allergène pour voir les signaux de transduction s'activer via le système des kinases. La cellule s'active et dégranule les médiateurs préformés de l'allergie, etc. Le but est de créer un leurre par de la conjugaison de l'allergène majeur du chat Fel d 1 à une molécule d'Ig G spécifique de cet allergène dont un des fragments Fab a été supprimé. Cette chimère est appelée Human Fc Gamma. Elle va autoriser le copontage des FceRI et des FcgRII. Ce copontage ne permet pas la transduction des signaux membranaires par les kinases et le relargage des médiateurs inflammatoires est inhibé. Les résultats in vitro et in vivo de ces travaux montrent qu'il n'y a pas de risque de déclenchement d'une allergie à l'encontre de l'Human Fc Gamma, ni même d'immunisation. On constate un effet puissant d'inhibition de la réactivité allergénique sur les basophiles humains in vitro et in vivo chez la souris. Cette immunothérapie est capable d'inhiber les réactions cutanés dues à l'activation des mastocytes, de diminuer la réactivité allergénique lors des tests de provocation respiratoire et de réduire la réactivité allergénique systémique dans le cadre de tests de provocation.
Les anti-IgE dans la rhinite allergique.
L'anticorps anti-Ig E (omalizumab) a la vertu de se fixer sur le domaine constant des IgE ce qui interdit leur fixation sur les récepteurs à Ig E de haute affinité FceRI. Ce phénomène entraîne ainsi une diminution des IgE totales et des réactions Ig E médiées comme le recrutement d'éosinophiles intrapulmonaires ou l'hyperréactivité des voies aériennes lors de tests de provocation spécifique. L'omalizumab a fait la démonstration de son excellente tolérance chez l'homme avec absence d'immunisation contre cet anticorps. T.B. Casale (4) a étudié ses effets dans le traitement de la rhinite allergique saisonnière pollinique. L'étude a enrôlé 158 patients dans quatre bras : placebo, anti-Ig E, rush immunothérapie (RIT), anti-IgE + RIT. Les patients des groupes anti-Ig E, d'une part, et, d'autre part, RIT, ont eu une amélioration significative, mais celle-ci était supérieure chez les sujets sous RIT + anti-Ig E. Si la démonstration de l'efficacité de l'omalizumab en monothérapie ou associée à la désensibilisation est certes faite, il reste que la limite de son utilisation est son coût. Ce d'autant que cet anticorps n'est indiqué que dans les pathologies impliquant les Ig E, pathologies pour lesquelles nous disposons d'une panoplie thérapeutique nous permettant d'être presque toujours efficace. Toutefois, comme cela a déjà été signalé, son intérêt résiderait peut-être dans son « umbrella effect » : une désensibilisation à risque (forte sensibilisation, réaction sévère) pourrait ainsi être débutée sous omalizumab. L'augmentation des doses pourrait être pratiquée de façon très accélérée en rush ou même ultra rush sans aucun risque de réaction durant cette phase initiale. Cette protection permettrait aussi de pouvoir monter d'emblée les doses de l'immunothérapie, sans arrière-pensée.
1. Barry Kay A., Larche M. Allergen immunotherapy with cat allergen peptides. Springer Semin Immunopathol. 2004 Feb ; 25(3-4) : 391-9.
2. Creticos PS, et coll. Immunotherapy with Immunostimulatory Oligonucleotides Linked to Purified Ragweed Amb a 1 allergen : Effects on Antibody Production, Nasal Allergen Provocation, and Ragweed Seasonal Rhinitis. J.Allergy Clin. Immunol. 109, No 4, 743-44 (3) 2002.
3. Kepley CL, Zhang K, Zhu D, Saxon A. FcepsilonRI-FcgammaRII coaggregation inhibits IL-16 production from human Langerhans-like dendritic cells. Clin Immunol. 2003 Aug ; 108(2) : 89:94.
4. Casale TB. Experience with monoclonal antibodies in allergic mediated disease : seasonal allergic rhinitis. J. Allergy Clin. Immunol. 2001 Aug ; 108 (2 suppl.) : S84-8.
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