« Il est clair que le charbon précocement reconnu et convenablement traité est une maladie sérieuse, mais néanmoins traitable », écrivent Clifford Lane et Anthony Fauci (Bethesda) dans un commentaire à l'article du « JAMA ». Ils soulignent aussi les traits communs partagés par les quatre observations : un pouls plus accéléré que la fièvre ne le laisserait présager, des images communes aux radios thoraciques et au scanner (adénopathies médiastinales et épanchements pleuraux) et une leucocytémie peu élevée ou normale.
Chez les sujets vivants, une vigilance liée à l'actualité associée aux anomalies radiologiques et au scanner ont permis de suspecter le diagnostic de charbon, qui a été confirmé biologiquement par la suite.
Chez les sujet décédés, les signes étaient légers et si peu évocateurs qu'ils n'ont pas été pris au sérieux.
Deux survivants
Le 19 octobre 2001, un postier de 56 ans s'est rendu aux urgences car, depuis trois jours, il ressentait une petite fièvre, des frissons, une toux avec oppression thoracique, une dyspnée d'effort et un malaise général.
A l'admission, il n'apparaît pas en détresse vitale. On note des myalgies avec arthralgies, une anorexie, une angine, une fièvre à 37,5 °C, un pouls à 110/min et une saturation en oxygène de 98 %. La biologie montre une leucocytémie à 7 500.
La radio thoracique décrit un élargissement du médiastin et des épanchements pleuraux modérés bilatéraux.
Le scanner révèle des adénopathies profuses dans la région médiastinale, la plus grosse se trouvant sous la carène, en association avec un dème médiastinal, infiltrant et diffus.
La présence de Bacillus anthracis, suspectée en première analyse des hémocultures, sera par la suite confirmée en culture, puis par PCR le 21 octobre.
L'administration de ciprofloxacine parentérale (400 mg toutes les 8 heures), de rifampicine (300 mg toutes les 12 heures) et de clindamycine (900 mg toutes les 8 heures) a permis de stabiliser l'état du patient et d'assurer la guérison. Le 20 octobre était admis dans un autre service d'urgences de Washington un homme de 56 ans travaillant à la poste. Il se présentait pour une céphalalgie qui s'aggravait progressivement depuis trois jours. Avec, en accompagnement, des nausées, des frissons et des sueurs nocturnes, sans plaintes sur le plan pulmonaire, hormis une légère angine.
L'examen montre une fièvre à 37,6 °C, une saturation en oxygène à 94 %, sans détresse virale apparente. Le pouls est à 127/min. Une leucocytémie modérée à 9 700 est la seule perturbation biologique.
Ce sont les anomalies franches de la radio thoracique (élargissement du médiastin, masses hilaires et atteinte périhilaire, épanchement pleural droit) et au scanner (adénopathies importantes, réparties dans la région hilaire, médiastinale et sous la carène, avec un dème médiastinal diffus et des épanchements pleuraux) qui font présumer un charbon pulmonaire.
Un traitement composé de ciprofloxacine parentérale (400 mg toutes les 8 heures), de rifampicine (300 mg toutes les 12 heures) et de clindamycine (900 mg toutes les 8 heures) s'est ensuivi. Bacillus anthracis a poussé dans les hémocultures au bout de quinze heures, avec une confirmation par PCR le 21 octobre.
Au 21e jour de son hospitalisation, le patient demeurait stable.
Renouveler les descriptions de cette maladie
Ces deux observations, pour ponctuelles qu'elles soient, ont le mérite de renouveler les descriptions de cette maladie rare (aucun diagnostic aux Etats-Unis depuis 1976). Ces deux cas vont à l'encontre de deux notions classiques soulignées dans la littérature : la rareté du diagnostic précoce du charbon inhalé et les deux phases que suit le développement du cours de la maladie. Si les cliniciens n'avaient pas la connaissance d'un contact, ils ont suspecté la contamination sur les notions parallèles d'une exposition connue dans le bâtiment du Sénat et la profession des patients.
Bien que ces derniers se soient présentés avec des signes médiastinaux bien marqués, une antibiothérapie agressive a permis une issue favorable et a probablement empêché l'évolution en deux phases, se concluant par un décès dans 80 à 90 % des cas dans les descriptions classiques.
Des prodromes non spécifiques et légers
Les deux patients à issue fatale ont eu une présentation de la maladie par des prodromes non spécifiques et légers.
Le 16 octobre, un postier de 47 ans a développé des symptômes pseudo-grippaux et des douleurs abdominales, qu'il a attribués à une intoxication alimentaire et qui ne l'ont pas empêché de continuer à travailler. C'est seulement le 21 octobre, après une brève syncope, puis l'aggravation des symptômes digestifs accompagnés de sueurs profuses, qu'il s'est rendu à l'accueil des urgences. La température était alors de 36,1 °C, avec un pouls à 95/min, une saturation en oxygène de 99 % et une légère hyperleucocytose était relevée. La radio thoracique ne montrant pas plus de signes qu'une augmentation de la densité parenchymateuse périhilaire droite, un traitement par la prométhazine entraînant la résolution des symptômes, la sortie a été autorisée. Le lendemain, l'aggravation de la dyspnée et la diaphorèse se sont aggravées, tout comme les symptômes gastro-intestinaux. Il est admis en détresse respiratoire avec une température à 35,5 °C et un pouls à 152/min. Le tableau s'est alors affirmé en faveur du charbon, avec des signes radiologiques et au scanner évocateurs (infiltrats parenchymateux, épanchements pleuraux, élargissement du médiastin). Pour autant, en dépit d'une antibiothérapie agressive et d'une ventilation assistée, le malade a évolué inéluctablement vers une issue fatale.
Le 17 octobre, un homme de 55 ans, était renvoyé chez lui après s'être présenté aux urgences pour un syndrome viral. Quatre jours plus tard, il est admis dans un autre service avec un tableau grave combinant une dyspnée sévère, une fièvre, des vomissements, des myalgies et une toux productive. Le pouls bat à 150/min pour un fièvre à 38,9 °C. Un traitement à base de lévofloxacine est promptement débuté sur la suspicion du diagnostic. En dépit de cela, le malade décède dans un tableau d'insuffisance respiratoire.
Chez les deux patients, on relève la notion d'une médiastinite avec des infiltrats pulmonaires extensifs tardivement au cours de l'évolution.
« JAMA », vol. 286, n° 20, 28 novembre 2001, Thom A. Mayer et coll. pour les cas vivants, et Luciana Borion et coll. pour les deux décès. Editorial de H.C. Lane et A.S. Fauci.
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