Sarkozy termine sa course vers le pouvoir

La dernière touche

Publié le 07/06/2007
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NOUS NE LAISSERONS pas passer sans réagir la première page de notre confrère « Libération » qui évoque « Cette droite qui veut tout ». Dans le combat politique, il n'est pas rare d'exagérer et même d'oublier l'essentiel. La droite n'a rien à vouloir, et ce qu'elle veut n'a aucune importance. Elle ne dispose d'aucun moyen alchimique pour augmenter le nombre des députés dont elle disposera dans la nouvelle législature. Il ne faudrait donc pas faire des élections législatives, scrutin essentiel de la démocratie, on ne sait quel complot particulièrement perfide qui priverait la gauche de voix sur lesquelles elle aurait un droit souverain et que la droite s'apprêterait à lui voler.

Le PS survivra.

En réalité, « Libération » se contente de lire les sondages qui accordent à l'UMP et au Nouveau Centre entre 41 et 42 % des voix au premier tour, score qui se transformerait, au terme du second tour, en quelque 400 sièges (entre 380 et 460), soit une cinquantaine de plus que dans l'Assemblée 2002-2007. Le PS et ses associés (PRG et MRC) pourraient obtenir de 27 % à 30 % des voix au premier tour, soit entre 120 et 159 députés : la fourchette est large ; le chiffre le plus bas correspondrait à un recul de quelque 40 sièges et le chiffre le plus élevé serait identique à celui d'avant les élections. C'est assez dire que, en dépit de leurs gémissements, les socialistes ne seront pas enterrés.

La poussée de la droite s'exercerait en effet au détriment du PC, qui, avec moins de 15 sièges, ne pourrait pas avoir son groupe parlementaire, des Verts (trois députés ou moins), du Front national (aucun député, mais c'est déjà le cas) et surtout du Modem de François Bayrou, qui ferait un score en voix inférieur à 8 % et obtiendrait entre zéro et six sièges.

La fin du bayrouisme ?

Contrairement aux premières prévisions, les triangulaires seront rares, parce que les partis les plus faibles vont encore s'affaiblir et parviendront rarement à rassembler les 12 % de voix nécessaires pour se maintenir au second tour. En fait, les législatives marqueront la fin de l'aventure bayrouiste : si le leader du Modem avait pu confirmer sa percée du premier tour de la présidentielle, il aurait créé son propre groupe. Mais, selon les sondages, il revient à son niveau de janvier dernier.

ERREUR STRATEGIQUE DE LA GAUCHE, HABILETE DE SARKOZY ET INTELLIGENCE DE L'ELECTORAT

On aura bien noté que, par rapport au premier tour de la présidentielle, la droite sarkozyste améliore son score d'au moins dix points. C'est ce qui effraie l'opposition ; mais cela signifie seulement qu'en un mois le nouveau chef de l'Etat a travaillé d'une manière qui a convaincu un bon pourcentage de ses concitoyens qui n'avaient pas voté pour lui.

Faut-il le répéter ? M. Sarkozy n'est pas parfait :

– Sa décision apparente d'appliquer un moratoire de deux ans à la réduction de la dette (qui lui a valu un avertissement de Bruxelles) ne nous paraît pas bonne, même si tout le monde a compris qu'il a besoin d'argent pour la relance économique. Mais l'expérience a largement démontré que lorsqu'on parle de stabiliser la dette, elle augmente. Il faut donc se maintenir sans faiblir dans l'effort de réduction.

– Même si les heures supplémentaires défiscalisées sont un puissant stimulant économique, elles ne suffiront pas à accroître sensiblement l'activité. Il faudra d'autres mesures tout aussi dynamiques.

– Le bouclier fiscal a sa logique. Mais il n'est pas juste, car il avantage les grosses fortunes par rapport aux petites et moyennes fortunes qui, elles, n'y gagnent rien. La proposition de François Bayrou pour l'ISF était la plus juste et la plus équilibrée. Il en va de même pour le projet de détaxation des successions qui, lui, fonctionne à l'envers du bouclier fiscal puisqu'il concernera à peu près tout le monde, sauf les successions supérieures à quelque cent à deux cent mille euros par légataire.

– Les contradictions sont flagrantes entre la volonté sécuritaire et l'insuffisance des moyens de la sécurité, entre la réduction du nombre de fonctionnaires et la nécessité d'augmenter les effectifs de l'hôpital, de la justice et de la police.

Un salut à l'artiste.

Mais ces observations n'empêchent nullement une évaluation globale du projet de M. Sarkozy qui soit sensible à ses qualités générales : réforme, mouvement, dynamisme. Les Français ne s'y tromperont pas lors des législatives.

A la veille des deux derniers grands scrutins de l'année, on ne peut s'empêcher de saluer le travail de l'artiste : le point le plus bas de la droite peut être situé au moment du CPE de Dominique de Villepin, c'est-à-dire il y a à peine un peu plus d'un an. Sans hésiter, beaucoup de nos concitoyens auraient juré alors que la droite ne reviendrait pas au pouvoir en 2007. Le premier constat, c'est l'énorme erreur stratégique commise par la gauche qui a cru que, dès lors que la droite était désavouée, les Français voulaient nécessairement revenir aux bonnes vieilles recettes de la redistribution. Ce qui a conduit le PS à se concentrer sur la critique implacable de l'action de la droite, au lieu de songer à bâtir un projet moderne.

Le deuxième constat, c'est l'immense pouvoir de persuasion de Nicolas Sarkozy, qui a convaincu les Français que sa droite à lui n'était pas celle de Jacques Chirac. Et qui l'a prouvé au cours des quatre semaines fulgurantes que nous venons de passer.

Le troisième constat, c'est l'intelligence de l'électorat que, à tort, beaucoup d'entre nous croyaient obnubilé par le politiquement correct, culpabilisé par l'évangile de la gauche, soumis au puritanisme de la charité. Les Français ont compris que l'altruisme consiste plus à créer des emplois marchands qu'à payer des gens à ne rien faire ; qu'il passe par la prospérité de chacun d'entre nous ; et que, si quelqu'un sait affronter les difficultés de la vie, il sera un poids de moins pour la société.

Cette apparente révolution des mentalités, on la doit au mouvement sarkozyste qui a décomplexé la droite. Il n'y a plus que dans les talk-shows que l'on se croit encore obligé de dénigrer de toutes les manières les femmes et les hommes de droite, forcément ringards, forcément « à côté de leurs pompes ». Mais cette époque-là est révolue.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8181