LES ETUDES prospectives sur les conséquences à long terme de la dépression des parents sur leurs enfants sont extrêmement rares. L’une d’elles a été présentée à l’American Psychiatric Association. L’originalité de cette étude naturaliste, longitudinale, tient au fait que Ruth C. Cronkite (1) et coll. ont suivi des patients déprimés et leurs enfants sur plus de deux décennies. L’objectif : établir une comparaison entre les enfants à l’âge adulte de parents déprimés et ceux issus d’une cohorte de parents témoins, en termes de bien-être physique et psychologique, de recours aux soins et de fonctionnement psychosocial.
Cent quarante-trois enfants d’adultes déprimés et 197 d’adultes témoins ont été suivis pendant vingt-trois ans. La cohorte de parents déprimés (n = 424) a été recrutée dès 1980 parmi les patients qui avaient eu un traitement contre la dépression unipolaire dans l’un des six centres de soins de la zone de San Francisco Bay. Le groupe témoin (n = 424) a été sélectionné au hasard dans la population générale dans le même secteur. L’état dépressif des parents et des enfants a été évalué selon les critères du DSM-IV* (rémission totale, partielle ou absence de rémission) et du PHQ-9** à leur inclusion dans l’étude puis à un an, quatre ans, dix ans et vingt-trois ans.
Un recours aux soins plus fréquent.
Les résultats à vingt-trois ans ont montré que, par rapport au groupe témoin, les enfants-adultes de parents déprimés présentaient des symptômes dépressifs plus sérieux. La dépression parentale semblait liée à une prévalence accrue de dépression familiale, puisque 70 % des enfants-adultes de parents déprimés ont déclaré avoir dans leur famille un autre membre ayant eu des problèmes de nature dépressive. Ils ont éprouvé plus de symptômes physiques et psychiques et des douleurs corporelles les obligeant à garder le lit et limitant ainsi leurs activités quotidiennes. La prise d’antidépresseurs, le recours aux spécialistes de santé mentale ou à d’autres professionnels, comme les conseillers spirituels, les avocats, les employeurs, ont été davantage retrouvés dans le groupe des enfants-adultes de parents déprimés. Lesquels ont confié qu’ils avaient moins d’amis et qu’ils utilisaient plus de stratégies d’adaptation, notamment l’évitement. Ces critères étaient beaucoup plus importants si le parent déprimé n’avait jamais connu de rémission alors qu’ils étaient comparables à ceux des enfants de parents témoins si une rémission partielle ou totale avait été obtenue.
Association entre rémission et résultats favorables dans la descendance.
Cette association entre la rémission chez les parents déprimés et les résultats plus favorables constatés dans leur descendance est encourageante car elle semble suggérer qu’une intervention précoce, visant à traiter de manière efficace la dépression, peut minimiser les problèmes à long terme pour les enfants et les autres membres de la famille. Ces résultats montrent la nécessité de mener tous les patients à une rémission complète. Ils sont précieux par rapport aux données épidémiologiques de l’OMS : la dépression affecterait plus de 120 millions de personnes dans le monde et 75 % d’entre elles ne recevraient aucun soin. Plus inquiétant, elle pourrait occuper, selon des estimations américaines, la deuxième place en termes d’invalidité mondiale en 2020.
American Psychiatric Association, Toronto, Canada.
Conférence de presse : « Dépression, la famille y est pour quelque chose », Boehringer Ingelheim, Eli Lilly. (1) Ruth Cronkite, PhD, chercheur spécialisé en sciences de la santé, directrice du postdoctorat de recherche sur les services de santé auprès du système de soins aux anciens combattants de Palo Alto et professeur-conseil associé auprès de la faculté de sociologie de la Stanford University.
* DSM-IV - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.
** PHQ-9 - Patient Health Questionnaire.
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