PRATIQUE
Mono- ou binoculaire ?
Il n'existe pas de diplopie congénitale. Il faut d'abord déterminer si la diplopie est mono- ou binoculaire. Si la diplopie disparaît lors de l'occlusion d'un des deux yeux, elle est binoculaire. L'interrogatoire permet ensuite d'en établir quelques caractéristiques : est-elle horizontale ou verticale ? Dans quel champ du regard se produit-elle ? Survient-elle à la vision de loin ou de près ? Est-elle variable dans la journée ? Quelles ont été son installation et son évolution ?
Identification du muscle responsable
Le muscle responsable de la diplopie est identifié par les caractéristiques d'un éventuel torticolis et par les mouvements de duction : un il étant caché, on fait fixer le doigt pour entraîner l'autre le plus loin possible vers la périphérie dans chacune des six positions correspondant aux muscles oculomoteurs. Deux examens complètent le diagnostic. Dans l'examen au verre rouge, le patient fixe un point lumineux immobile tandis que l'examinateur tient un verre rouge devant un des yeux, tout en mobilisant la tête du patient de façon à mettre en jeu successivement chaque couple de muscles oculomoteurs. Avec le coordimètre, le patient doit superposer une flèche lumineuse à des points donnés, des filtres rouge-vert dissociant les images des deux yeux.
L'examen clinique est complété par la recherche d'un ptosis, d'une rétraction palpébrale, d'un déficit des muscles orbiculaires (l'examinateur tente d'ouvrir les yeux du patient que celui-ci tente de maintenir fermés ; un déficit évoque surtout la myasthénie), d'une myotonie, d'une anisocorie, d'une exophtalmie et de signes neurologiques associés.
L'examen ophtalmologique comporte un fond d'il sans dilatation, qui peut orienter vers l'étiologie en montrant un dème papillaire (hypertension intracrânienne, maladie de Horton, SEP), une atrophie optique (SEP, Horton), une rétinite pigmentaire (certaines myopathies) et une pseudo-ectopie maculaire (maladie de Basedow).
Identification du nerf atteint
L'atteinte du III se manifeste par une diplopie verticale et une éventuelle paralysie du III intrinsèque, celle du IV par une diplopie verticale ou oblique très gênante pour lire et descendre des escaliers et celle du VI par une diplopie horizontale, homonyme.
Le grand oblique est le muscle de la lecture. Il est innervé par le IV. Le droit externe est innervé par le VI. Les autres muscles extrinsèques de l'il sont innervés par le III. Celui-ci innerve également le releveur de la paupière supérieure et la musculature intrinsèque de l'il (sphincter de l'iris et muscle ciliaire, qui permet l'accommodation lors de la vision de près), à l'exception du dilatateur de l'iris. Les muscles orbiculaires (permettant l'occlusion des yeux) sont innervés par le nerf facial.
Identification du niveau de l'atteinte
L'imagerie par scanner ou IRM est systématique. Un accident ischémique appelle d'autres investigations, surtout si le sujet est jeune. En cas de scanner et d'IRM normaux, avec atteinte de plusieurs nerfs crâniens, ou en cas de suspicion de SEP, une ponction lombaire est pratiquée.
Deux urgences
- Survenant chez un patient de plus de 65 ans, la maladie de Horton comporte un risque de cécité brutale. Son diagnostic est fait sur la VS et la biopsie de l'artère temporale. Elle peut se révéler par une diplopie, permanente ou intermittente. Son diagnostic est évoqué par l'existence de céphalées temporales, de myalgies, d'amaigrissement, de claudication de la mâchoire et/ou par des épisodes de « voile visuel ». Il faut savoir répéter les examens même s'ils sont normaux et ne pas réfuter le diagnostic, même en cas de négativité de la biopsie de l'artère temporale. Un sujet âgé suspect de maladie de Horton doit être traité par corticothérapie en urgence, sans attendre la confirmation du diagnostic.
- L'atteinte douloureuse du III intrinsèque fait craindre un anévrysme intrasegmentaire qui risque de se rompre, surtout si l'atteinte du III (intrinsèque et extrinsèque) est isolée. Le III douloureux impose une prise en charge d'extrême urgence en milieu neurochirurgical, où seront pratiqués un scanner ou une IRM, puis une artériographie, voire d'emblée une artériographie.
Autres diagnostics
L'atteinte isolée du III extrinsèque est le plus souvent de nature ischémique, parfois compressive (anévrysme, tumeur), ou due à une collagénose.
L'atteinte isolée du droit interne évoque une SEP, une myasthénie ou une maladie de Basedow. Elle n'est jamais due à un III partiel.
L'atteinte isolée du droit supérieur évoque la myasthénie et le Basedow. Elle est très rarement due à l'atteinte partielle du III.
L'atteinte du VI évoque l'hypertension intracrânienne, l'ischémie, la SEP et une compression directe.
L'atteinte du IV est souvent congénitale, même si la décompensation survient tardivement. Bilatérale, elle doit faire rechercher sa localisation.
L'atteinte des trois nerfs oculomoteurs associée à l'atteinte du V et du nerf sympathique (syndrome de Claude Bernard-Horner) constitue le syndrome carotido-caverneux. L'atteinte d'un nerf oculomoteur peut être associée à l'atteinte d'autres nerfs ou à d'autres symptômes (exophtalmie, hypertension intracrânienne) dans diverses pathologies.
D'après la communication du Dr Vincent Laloum aux Journées de neurologie, Paris.
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