Théâtre / « Les Acteurs de bonne foi », de Marivaux

La délicatesse d’un Watteau

Publié le 22/09/2010
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IL EST TRÈS en forme, Jean-Pierre Vincent. Au tout début de l’été, on a eu la chance d’assister à une représentation de son travail sur Goldoni avec les élèves de l’ENSATT (École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre), à Lyon. Ce n’était que vivacité et talent mis en valeur. Trois mois plus tard, à Nanterre-Amandiers, qu’il connaît bien pour avoir dirigé l’institution, il monte un Marivaux délicieux qu’il fréquente depuis longtemps « les Acteurs de bonne foi »... d’autant plus sincères qu’ils sont amateurs. Faut-il résumer abruptement la fable ? Une dame de Paris marie son neveu à la campagne. Elle aime le théâtre et souhaite que l’on fasse une fête dans laquelle joueraient les paysans. La dame de la maison de campagne, maman de la mariée, s’offusque. De pugilats en malentendus, de romances qui se font et risquent de se défaire, les adultes comme la jeunesse, s’enflamment… Jusqu’à ce que tout aille pour le mieux... par le théâtre même !

Avec les amis qui sont depuis toujours ses collaborateurs artistiques – Chartreux, dramaturge, Chambas au décor, Cauchetier aux costumes, Poisson aux lumière –, chacun tenant son poste avec l’imagination et la liberté de la belle entente, Jean-Pierre Vincent peut donner l’allégresse dont il rêve à la représentation de cette comédie délicieuse. Il s’appuie sur une distribution épatante, avec la formidable Annie Mercier et Laurence Roy, délicate, et Anne Guégan, très fine dans les partitions des adultes. On peut ranger là l’excellent Merlin de David Gouhier. La jeunesse est éclaboussante et subtile, Claire Théodoly, Julie Duclos, Pauline Méreuze, Olivier Veillon, Matthieu Sampeur, Patrick Bonnereau, juvénile notaire.

Il faudrait des pages pour analyser ce fin travail, avec évocations picturales, Watteau bien sûr, Chardin et jusqu’à – vous rirez… – Millet ! Vincent et Chartreux ont, sans trahir le vivace de Marivaux, éclairé le propos. Ils lui donnent de la force, mais sans forcer, gauchir, trahir. Vive le théâtre on en a de plus en plus besoin. Une leçon qui vaut le coup !

Nanterre-Amandiers (tél. 01.46.14.70.00, www.nanterre-amandiers.com), du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30. Durée : 1 heure 20 sans entracte. Jusqu’au 23 octobre. Une longue tournée suit de Dijon à Rennes, dans toute la France, jusqu’au printemps.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8820