I. Promouvoir la confiance, signe de la mutation du monde hospitalier
La création des pôles, – dont la mise en œuvre de la délégation de gestion – est apparue dès 2007 comme une réforme d’envergure, un « choc culturel » selon les termes de Jean-Paul Guillot, président de Réalités du dialogue social. La délégation de compétences aux pôles a irrémédiablement modifié l’approche organisationnelle des établissements de santé en introduisant la gestion au cœur du soin.
Cette marche en avant structurelle, même si elle a créé des tensions parfois, et resserré les liens entre les acteurs souvent, s’inscrit avant tout dans une dynamique de l’ensemble de la chaîne de compétence, en s’appuyant sur une valeur chère à l’hôpital : la confiance en soi, en l’autre mais aussi la confiance dans la viabilité du système. Danielle Toupillier, directrice du centre national de gestion y voit ainsi une évolution majeure, réorganisatrice et déconcentrante de l’organisation des établissements publics de santé. « Stratégie de proximité qui permet une réalisation de la vie quotidienne », elle incarne le projet du « faire-ensemble » décrit par Brigitte Scherb, coordonnatrice générale des soins du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent de Paul, et permet d’avancer sur la voie de la responsabilisation des équipes.
Cet aspect de la réforme semble d’ailleurs bien engagé : l’enquête annuelle de l’Adrhess, menée par Frédéric Limouzy, directeur du CH de Grasse, et Arnaud Corvaisier, directeur des Hôpitaux du Sud Charente, au sujet de la délégation de gestion démontre que la culture de la communication prend racine dans les établissements, entre la DRH et les équipes de pôles.
II. Être en confiance : une condition nécessaire et suffisante ?
La confiance a été mise en avant par les participants au colloque comme la vertu cardinale nécessaire à la réussite de la mise en place des pôles. L’exemple du centre hospitalier de Versailles, présenté par Ève Parier, DRH, et Philippe Beaufils, médecin chef de pôle, a notamment mis en lumière la nécessaire entente existante dans leur établissement entre le pôle, les cadres, la CME et la direction. Comme le rappelle M. Beaufils, « dans la délégation, il ne s’agit pas de lâcher, mais bien de construire en commun ».
Cette approche ne saurait cependant pas être suffisante et comporte plusieurs prérequis. Ainsi que l’ont rappelé Danielle Toupillier et Didier Frandji, DRH du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, les personnels doivent s’approprier la réforme et participer pleinement à la définition d’un sens commun d’action. Cette adhésion doit se retrouver parmi les équipes médicales : les chefs de pôle doivent être mobilisés autour de leurs nouvelles missions, en donnant toute sa place au trio de pôle, dont Luce Legendre, DRH des Hôpitaux de Saint-Maurice, souligne que le cadre administratif de pôle doit être le maillon fort.
Le soutien au projet de délégation de gestion passe aussi par le développement d’un système d’information performant et adopté par les personnels. Céline Dugast, DRH du centre hospitalier Sud Francilien, associe à la lenteur du déploiement de la délégation de gestion les déficiences des systèmes d’information, qui ne permettent souvent pas aux différents acteurs hospitaliers d’assurer une gestion suivie de l’activité des pôles. Au contraire, Mme Parier et M. Beaufils attribuent le bon fonctionnement des pôles au centre hospitalier de Versailles à un tableau de bord efficace bien qu’artisanal.
Le volet de formation ne doit pas non être oublié. Jean-Baptiste Fleury, DRH du pôle santé Sarthe-et-Loir, met en avant la nécessaire acculturation des personnels aux nouveaux mécanismes de gestion, dans le cadre d’une professionnalisation de la fonction de chef de pôle. Effort de formation que le centre hospitalier de Versailles a entrepris avec succès.
L’accent est mis par ailleurs sur la situation particulière des petits établissements. Si Frédéric Boiron s’interroge sur l’opportunité de créer des pôles dans les établissements de moins de 300 lits, le Pr Rymer rappelle la pénurie de vocation parmi les chefs de pôle dans ces petits établissements.
III. Faire confiance : l’opportunité d’un pas supplémentaire
Bien entamé, l’ancrage des pôles dans le paysage hospitalier reste cependant face à une question qui reste ouverte, celle de la délégation de signature. Jean-Yves Copin, consultant juridique CNEH rappelle à ce titre qu’elle seule possède une valeur juridique. Possible pour les chefs de pôle, dans la mesure où elle ne signifie pas délégation de compétence, lesquelles restent du ressort du chef d’établissement, elle va cependant à l’encontre de la volonté des directions d’établissement, au niveau desquelles sont maintenues les fonctions stratégiques.
Partage, confiance et communication, les maîtres mots du jour mis en avant lors de la dernière table ronde, sont donc loin d’être vains. Ils résument à la fois tous les efforts entrepris depuis 2006, qui ont permis à la délégation de gestion d’être aujourd’hui fonctionnelle, mais aussi tous ceux qui doivent encore être apportés.
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