Parmi les plaintes qu'ont exprimées en 2001 quelque 865 enfants et ceux qui ont parlé en leur nom, figure la souffrance mentale. Or, relève dans son rapport annuel Claire Brisset, défenseure des enfants, assistée dans sa mission par 4 médecins*, ce déficit moral et psychique n'est pris en charge, bien souvent, par aucune structure ni aucun praticien, « faute de capacités d'accueil et de personnels adaptés ». « D'une manière générale, les moyens mis à la disposition de la pédopsychiatrie ne sont pas à la mesure des besoins », estime-t-elle.
Pour obtenir une consultation en centre médico-psychologique, l'attente est de trois mois en moyenne, et jusqu'à un semestre dans certaines régions. La défenseure des enfants fait remarquer qu'au 1er janvier 1997 seulement 43 % des 321 secteurs de pédopsychiatrie avaient des lits d'hospitalisation complète. « Il a fallu attendre janvier 2001 pour qu'une enveloppe de 129 millions de francs soit dégagée au profit de 17 départements ne possédant aucune structure d'hospitalisation en psychiatrie infantojuvénile. » Les centres de crise pour adolescents sont « saturés également » ; les demandes ont quintuplé en dix ans. De sorte que la prise en charge « post-urgence », après une tentative de suicide, « est extrêmement déficiente, d'où la fréquence des récidives » : 9 jeunes suicidants sur 10 ne sont pas hospitalisés.
Une formation pour les étudiants en médecine
Même carence en milieu scolaire. On ne trouve de psychologues que dans le primaire. Les conseillers d'orientation-psychologues du secondaire n'ont pas une mission de repérage des troubles psychologiques.
Aussi Claire Brisset préconise-t-elle « d'institutionnaliser les psychothérapies d'enfants et d'adolescents par des psychologues cliniciens, sur prescription du psychiatre et remboursées par la Sécurité sociale ». Cela implique une formation homogène de psychologie clinique, sanctionnée par un diplôme unique. Le psychiatre aurait « le rôle d'animateur de l'équipe soignante et de supervision des psychothérapies menées par les psychologues cliniciens ».
La défenseure des enfants juge nécessaire un « stage obligatoire de quatre mois en psychiatrie, ou en pédopsychiatrie, pour tous les étudiants en médecine », sur le modèle de ce qui se met actuellement en place au CHU de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Cela permettrait, à terme, un meilleur repérage des troubles psychiques, par les généralistes en particulier, et une prise en charge « considérablement améliorée ».
Chaque région devrait être dotée d'une « Maison de l'adolescent », structure pluridisciplinaire d'accueil, d'information, d'orientation, de soins (psychiatriques, gynécologique, dermatologiques et nutritionnels) et de consultation, qui aiderait les 15-17 ans à « traverser l'adolescence, à en assumer les émotions et les enjeux ».
Pour les 780 mineurs incarcérés, dont 106 ont moins de 16 ans (juillet 2000), le rapport propose d'instaurer « une consultation psychiatrique durant leur détention et de leur apporter un soutien psychiatrique ou psychologique ».
Il faudrait enfin augmenter le numerus clausus en psychiatrie, introduire un volet consacré aux mineurs dans la loi de 1990 sur l'hospitalisation des personnes souffrant de troubles mentaux et modifier l'article 375-3 du code civil en rendant obligatoire une expertise psychiatrique avant le placement d'un mineur, sur décision judiciaire, dans un centre hospitalier spécialisé.
Claire Brisset examine les maltraitances et abus sexuels. Elle suggère la création d'une formation spécialisée, d'une durée de un an, ouverte aux professionnels de la santé, de l'éducation, de la justice et du social.
Obésité et précarité
Pour le Pr Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge française et membre du Comité consultatif du défenseur des enfants, il faut « tout faire pour les mineurs venus d'Europe de l'Est, contraints pour vivre de se livrer à la prostitution et au trafic de stupéfiants, donc de se droguer. Ouvrons-leur nos centres de soins, dit-il au "Quotidien" ; leur santé morale et physique (MST) est en danger ». « Il est prioritaire, de mon point de vue, ajoute le Pr Gentilini, de lutter contre l'obésité dans les quartiers sensibles, car c'est là un indicateur, entre autres, de précarité : ces jeunes, de plus en nombreux, bouffent, et n'importe comment, car ils sont mal dans leur peau. » La Défenseure des enfants, qui a fait de la santé un thème majeur pour l'année prochaine, ne manquera pas d'aborder le thème de l'obésité, au même titre que l'accompagnement de l'enfant en fin de vie (1 800 nouveaux cas de cancer chez l'enfant chaque année), l'accueil et l'intégration des handicapés dans la société ou « la crise en pédiatrie ».
* Les Drs et Prs Gérard Azoulay (pédiatre), Boris Cyrulnik (neuropsychiatre), Marc Gentilini (président de la Croix-Rouge française) et Stanislas Tomkiewicz (psychiatre) font partie du Comité consultatif du défenseur des enfants, qui comprend 29 membres.
Une journée européenne
La Journée des droits de l'enfant est célébrée le 20 novembre, date anniversaire de l'adoption, en 1989, de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cette journée est européenne depuis 2000 mais pourrait devenir mondiale. C'est ce que souhaite Jacques Chirac : il devait en faire la demande lors du Sommet des enfants qui était prévu à New York en septembre et a été reporté à mai 2002 à la suite des attentats.
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