Tous les 20 novembre, depuis la signature de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), la société porte à l'enfant un intérêt particulier. Les adultes, grâce à l'action des ONG et des Etats, célèbrent l'enfance. Abreuvé de promesses - tout ira mieux demain - même s'il est enfant soldat, enfant prostitué, enfant travailleur, enfant battu, enfant de la faim, enfant de la rue, enfant sans école et sans soins ou encore nouveau-né non déclaré (ils sont 40 millions dans le monde, par an), il fête une sorte d'anniversaire.
« Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services » : en référence à l'article 24 de la CIDE, la Défenseure des enfants, Claire Brisset, demande à la société française de veiller « mieux encore qu'elle ne le fait » à l'état de bien-être des 13,5 millions de mineurs français.
« La situation d'un certain nombre de services de pointe de néonatalogie est littéralement alarmante », écrit-elle dans son rapport annuel, remis aujourd'hui au chef de l'Etat. « Le retour des mères de la maternité vers leur domicile, en moyenne 3 jours après l'accouchement, interdit la détection de certains problèmes physiologiques ou relationnels », regrette-t-elle.
Claire Brisset préconise donc des visites de sages-femmes systématiques chez les accouchées, pendant la première semaine, puis, au cours des trois mois suivants des visites, des services de la protection maternelle et infantile (PMI).
Réformer la PMI
Mme Brisset suggère que la PMI soit réformée de fond en comble. Grâce à des moyens « considérablement renforcés », ses compétences pourraient être étendues jusqu'à la fin du primaire. Elle souhaite que soit améliorée l'intégration des pédiatres et des pédopsychiatres, dit-elle. Actuellement, les 10 000 médecins et infirmières de la PMI sont chargés de la santé globale de 4 millions de moins de 6 ans.
Dès lors que la pédiatrie s'occuperait de l'enfance, la médecine scolaire se consacrerait exclusivement à l'adolescence. « Elle n'interviendrait qu'à partir du collège », en portant ses efforts sur le dépistage des troubles somatiques, psychologiques ou psychiatriques. A ce jour, il y a un praticien pour 5 800 élèves et 47 % des intervenants sont des vacataires.
Un accueil spécifique
L'un des autres aspects sanitaires majeurs du rapport de la Défenseure a trait à l'hôpital. Soixante-dix pour cent des hospitalisations concernent des mineurs. Elles répondent, dans le public comme dans le privé, à des critères précis. Pour Claire Brisset, accueil et soins relèvent d'un personnel spécifique, dans un service à vocation pédiatrique, réservé aux moins de 18 ans et ouvert aux parents (unités consacrées aux adolescents). Les urgences pédiatriques doivent être isolées. « Il faut rompre avec la règle, qui ne s'appuie sur aucun texte législatif, selon laquelle la prise en charge pédiatrique cesse lorsque l'enfant a atteint 15 ans et 3 mois, voire 16 ans. »
A cela s'ajoute la nécessité de créer des médicaments pédiatriques (30 % des produits utilisés en médecine de ville, 67 % à l'hôpital et 94 % en soins intensifs sont prescrits hors AMM en pédiatrie, donc, sans posologie officielle ; et celle d'intensifier la prise en charge de la douleur, laquelle implique une formation technique et psychologique des soignants. Mme Brisset souhaite que tout établissement hospitalier dispose d'une équipe mobile de lutte contre la douleur et de soins palliatifs. En outre, chaque service pédiatrique devrait disposer d' « un lieu d'expression des jeunes patients, interlocuteurs légitimes des différentes instances de concertation hospitalière ».
Revaloriser le statut des pédiatres
La Défenseure des enfants estime qu'il est nécessaire de relever le numerus clausus des pédiatres (au nombre de 5 782 en janvier 2000), compte tenu de la diminution prévisible de 19 % des effectifs à l'horizon 2020, « et encore en supposant constant le numerus clausus, actuellement de 4 700 », sans oublier de réévaluer leur statut. Plus des trois quarts des actes effectués chez l'enfant sont faits par des généralistes. En fait, Mme Brisset réclame une révision de la formation et une revalorisation de la rémunération de tous les médecins de l'enfance et de l'adolescence.
La Défenseure s'insurge contre le fait qu' « environ un quart des jeunes handicapés accueillis en établissement » ne sont pas scolarisés.
Enfin, en réponse à la politique sécuritaire, qui désigne volontiers les jeunes comme des fauteurs de troubles à pénaliser, Claire Brisset donne sa préférence à une « approche par la santé ». « Chacun sait qu'un adolescent en souffrance doit parfois faire l'objet d'un travail de persuasion pour qu'il accepte de se faire aider, dit-elle . En ce sens, les "Maisons (départementales) de l'adolescent", où la présence de soignants est dominante, sans être exclusive, jouent un rôle d'attraction essentiel. »
Les plaintes en hausse
Entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2002, quelque 2 735 courriers ont été envoyés à la Défenseure des enfants, dont 800 sont des nouveaux dossiers. Cela représente une hausse de 15 % par rapport à l'année précédente.
Les deux tiers des jeunes concernés sont âgés de 7 à 15 ans (20 % de moins de 6 ans), et 70 % des plaintes émanent des parents (41 % la mère), 11 % étant formulées par les enfants-victimes eux-mêmes et 7 % par des associations. Le premier motif de requête concerne la séparation du couple parental (25 % des plaintes) ; suivent le placement d'origine judiciaire (10 %), les questions de santé et de handicap (5 %) et les problèmes scolaires (5 %).
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