ON CONSIDERE classiquement que l'axe gonadotrope est constitué de trois éléments : les neurones à GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), situés dans l'aire hypothalamique antérieure, contrôlent l'activité des cellules gonadotropes de l'hypophyse, qui elles-mêmes agissent sur le fonctionnement des gonades. Récemment, les neuroendocrinologues ont découvert l'existence d'un quatrième élément situé en amont des neurones à GnRH. C'est en 2003 que Nicolas de Roux (Paris) et Bill Crowley (Boston) ont démontré, chez certains individus qui souffrent d'hypogonadisme sévère, la présence d'une mutation d'un gène codant pour le récepteur d'un neuropeptide. Il s'agit d'un récepteur orphelin, le GPR54 (G-Protein-coupled Receptor 54), dont la fonction exacte restait énigmatique. En effet, à la fin des années 1990, des chercheurs japonais avaient identifié une protéine à activité anti-proliférative, nommée métastine, comme étant le ligand naturel du GPR54. Or, depuis, il a été montré que la métastine est en fait le précurseur d'un peptide biologiquement actif, la KiSSpeptine, qui stimule les neurones à GnRH et déclenche la puberté. La KiSSpeptine peut agir à plusieurs niveaux de l'axe gonadotrope : sur les neurones à GnRH, l'éminence médiane, l'hypophyse et peut-être même directement sur les gonades.
Des médicaments, analogues de la GnRH, sont utilisés pour le traitement de certaines formes de stérilité et pour le traitement du cancer de la prostate. On peut raisonnablement envisager que de nouveaux médicaments pourront dans l'avenir être développés à partir de la KiSSpeptine : des antagonistes, visant à traiter des pubertés précoces ou utilisés comme contraceptifs, et des agonistes pour le traitement de la stérilité et du cancer de la prostate.
Des neuropeptides impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire. Outre les récepteurs de la somatostatine, inhibiteurs, deux autres types de récepteurs, stimulateurs, sont présents sur la cellule somatotrope de l'hypophyse : le récepteur de la GHRH (Growth Hormone-Releasing Hormone) et le GHS-R, récepteur des sécrétagogues de l'hormone de croissance (GH). Des chercheurs avaient découvert fortuitement que certains peptides artificiels, les GHS (GH Secretagogues), stimulaient la sécrétion de GH, mais le ligand naturel du GHS-R restait inconnu. Celui-ci, un peptide de 28 acides aminés, a été découvert en 2000 par une équipe japonaise (Kangawa et coll.). Ce peptide, appelé ghréline, a la particularité d'être acylé et d'être produit en quantité beaucoup plus importante au niveau de l'estomac que de l'hypothalamus. On parle de peptide de l'axe cérébro-gastro-intestinal. Il était dès lors très probable que la ghréline produite dans l'estomac puisse contrôler la sécrétion d'hormone de croissance au niveau hypophysaire. Toutefois, il a été montré récemment que la principale fonction de la ghréline est de stimuler la prise alimentaire. Le peptide, libéré par l'estomac dans la circulation générale, parvient au cerveau grâce à un transporteur spécifique situé au niveau de la barrière hémato-encéphalique. Là, la ghréline agit sur les neurones à neuropeptide Y qui stimulent la prise de nourriture et sur les neurones à pro-opiomélanocortine, précurseur de l'alpha-mélanotropine (a-MSH), qui inhibent la prise alimentaire. A l'inverse, le peptide PYY3-36, qui appartient à la même famille que le neuropeptide Y, inhibe la prise alimentaire. Produit lui aussi au niveau du tractus gastro-intestinal, le PYY3-36 remonte vers le cerveau pour agir au niveau hypothalamique.
Rôle des cellules gliales sur les fonctions neuro-endocriniennes. « Les effets d'un autre neuropeptide, l'octadécaneuropeptide (ODN), sur la prise de nourriture ont été découverts dans notre Institut » précise le Dr Hubert Vaudry. Il s'agit d'un peptide de 18 acides aminés, produit exclusivement par les cellules gliales. C'est aujourd'hui le peptide anorexigène le plus puissant qui soit connu, avec notamment des effets prolongés. Une administration unique d'ODN à des rats, à des doses comprises entre 30 et 100 ng, entraîne une réduction très importante de la prise alimentaire. Son administration continue, à l'aide d'une minipompe osmotique, provoque au cours des 5 premiers jours à la fois une diminution de la prise alimentaire et une baisse de poids qui n'est jamais compensée les jours suivants. Ainsi, les cellules gliales qui étaient connues pour être des cellules de jonction, de soutien et de nutrition, se sont révélées être de véritables partenaires des neurones. Elles communiquent avec eux au moyen de neuropeptides ou de neurotransmetteurs et interviennent à part entière dans le fonctionnement cérébral. On sait maintenant que le peptide ODN agit sur les neurones à NPY et les neurones à a-MSH : l'ODN stimule très fortement la biosynthèse de pro-opiomélanocortine et donc la production d'a-MSH, et inhibe la production de neuropeptide Y.
D'après un entretien avec
le Dr Hubert Vaudry, directeur
du laboratoire de neuro-endocrinologie cellulaire et moléculaire
(Unité Inserm 413), université de Rouen, Mont-Saint-Aignan.
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