Didier Burg a le sourire. Sa récolte de safran s’annonce bien. Devant sa petite maison de Calvignac, non loin de Cajarc, dans un petit champ piqueté de fleurs mauves, quelques dizaines de touristes l’écoutent religieusement depuis une bonne heure raconter la saga de cette épice si recherchée. C’est, en effet, ici qu’il cultive depuis quelques années du safran. Une bonne dizaine d’années, pas plus. qu’il cultive cette fleur devenue l’épice la plus chère du monde.
Les premiers témoignages de culture du safran datant de la fin du XIIIe siècle ont été retrouvés dans un monastère à Espagnac Sainte-Eulalie. À la fin du XVe siècle, une bulle du pape Eugène IV imposait déjà aux habitants de payer la dîme du safran au curé. Et, au cours des siècles suivants, cette culture prendra un considérable essor pour devenir une véritable production agricole. « Le safran est alors rentré dans les traditions culinaires locales, poursuit Didier Burg, l’un des animateurs de l’association des safraniers du Quercy. Il servait notamment à préparer le mourtayrol, une soupe de campagne roborative servie les jours de fête et … de funérailles ».
C’est au moment de la Révolution, notamment pour des raisons climatiques, des modifications des pratiques agricoles et la préférence accordée aux céréales, que la culture du safran s’arrête brusquement. Seule la région de Cajarc*, précise Didier Burg, a conservé des plantations familiales dans des potagers bien exposés. Et en a relancé l’exploitation en 1998.
Une fleur stérile
Cette petite fleur soyeuse d’un bleu mauve dont les stigmates d’un rouge profond donneront naissance au safran s’appelle de son nom savant Crocus Sativus. C’est une plante stérile qui apprécie les conditions climatiques du Quercy - hivers froids et pluvieux, étés chauds et secs - et qui ne peut pas, fait remarquable, se reproduire. Elle a donc besoin de l’intervention de l’homme pour se multiplier. Elle est aussi particulièrement fragile et nécessite un travail considérable. Dès que les fleurs commencent à s’ouvrir, début octobre, elles sont cueillies à la main, l’une après l’autre, parfois même la nuit car elles fanent vite. Et repoussent en douze heures !
Ensuite commence un travail méticuleux et fastidieux, mis en vedette lors de la fête du Safran, l’avant-dernier week-end d’octobre. Ici, dans la salle des fêtes, non loin de la maison de l’écrivain Françoise Sagan, devant un public captivé, quelques safraniers émondent ainsi la petite fleur violette, qui donnera le fameux « or rouge ».
Environ 28 euros… le gramme
Josiane, une des responsables de l’organisation de la fête du safran, émonde à une vitesse étonnante le tas de fleurs installé sur la table, détachant avec délicatesse les trois filaments rouges - les stigmates - puis rejetant vivement les étamines et les pétales. Elles ont été cueillies à l’aube et il faut les traiter dans la foulée. Ces stigmates seront ensuite séchés dans un four à 40° pendant une petite heure. La précieuse épice ainsi obtenue sera conditionnée en sachets ou pots de verre.
Quelques chiffres expliquent le prix très élevé de l’épice. « Il faut environ une heure pour ramasser 1 500 fleurs puis une heure pour émonder 500 fleurs, reprend Didier Burg. Et pour obtenir un gramme de safran sec, il faut quelque 220 fleurs. ». L’an passé, les quelque cinquante safraniers du Quercy ont récolté 3,655 kg de filaments. « En moyenne, précise Sylvaine, il faut compter un prix de vente à environ 27-28 euros le gramme. Soit près de 30 000 euros le kilo. Mais attention, il suffit d’un dixième de gramme, soit 45 filaments pour parfumer un plat pour quatre personnes. »
En prime, découverte récente, le safran serait non seulement un stimulant digestif et antispasmodique mais aussi un efficace antidépresseur ! Pas du luxe par les temps qui courent…
*Cajarc a obtenu en 2011 le label « Site remarquable du goût » grâce au safran, à son patrimoine naturel et architectural et son dynamisme culturel.
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